jeudi 16 janvier 2014

Echec scolaire

θ sommaire

-C'EST ADOLESCENTS QUI REFUSENT D'APPRENDRE
-APPRENDRE A PENSER ET A DOUTER
-L ÉCHEC SCOLAIRE COMME SYMPTÔME: le sens du message:

     Échec et identification paternel
    L’échec comme réponse implicite des parents 
    L'échec comme l'impossibilité d’élaboration d'espace transitionnel
    Étude et  interprétation du cas"Patrice"

-POUR UNE APPROCHE PLURIEL
-POURQUOI UN BILAN PSYCHOLOGIQUE DANS L'APPROCHE DE L’ÉCHEC SCOLAIRE? 
     Les tests d'efficiences
     Conflits et troubles psychiques
    

CES ADOLESCENTS QUI REFUSENT D'APPRENDRE:                           

      Plus d'un adolescent sur dix est en échec scolaire parce qu'il ne peut simplement pas penser par lui même! 
      Certains adolescents, pourtant curieux et intelligents jusqu’à leur entrée au collège, manquent de respect à leurs professeurs et n’arrivent pas à intégrer les savoirs fondamentaux du collège et du lycée. Par exemple, ils ne peuvent pas dégager l'idée principale d'un conte qu'ils viennent de lire,ou ne sont pas capable d'enchainer deux arguments pour défendre une idée.Ils sont actuellement 15% à sortir du système scolaire sans maitriser ces savoirs fondamentaux, les structures pédagogiques du collège ou du lycée ne pouvant pas les prendre en charge.

Plusieurs études montrent que, quel que soit le milieu social, ces enfants ne supportent pas a frustration, et refusent systématiquement de se plier aux contraintes et donc aux enseignements prodigués par les enseignants.On constate alors souvent dans les familles une autorité diluée, voire perdue et donc quasi inexistante.
En effet, pour apprendre, il faut accepter plusieurs contraintes: reconnaitre ses insuffisances, savoir attendre, respecter les règles et pouvoir entrer dans un temps de solitude.

APPRENDRE A PENSER ET A DOUTER:(apport des théories cognitivistes)

      Pour continuer à apprendre et pour accéder aux notions abstraites, le jeune doit abandonner certaines modalités de pensée issues de l'enfance pour d'autres, plus complexes. Cela lui permet de construire son propre système de pensée, loin de la reproduction du schéma proposé par les parents. Mais cette pensée laisse place aux doutes de ne plus savoir...    Les certitudes de l'enfance disparaissent et, au profit de cette "intranquilité"souvent l'adolescent s'investit dans cette nouvelle aptitude et développe le raisonnement hypothético-déductif.
      La mise en œuvre de cette pensée réflexive peut être interrompue par de l angoisse, de la tristesse, ou, au contraire, une excitation débordante. L'acte de pensée résulte ici d'un tri entre divers stimulus, afin de choisir ceux qui sont pertinents et d'inhiber ceux qui ne le sont pas. 
En 1995, Olivier Houdé, à l'université René Descartes, précise que "penser" c'est "inhiber". Selon lui, tout acte de pensée mets en jeu plusieurs opérations successives: il faut d'abord inhiber les stimulus inadéquates, puis activer ceux qui sont adéquats et pertinents et enfin inhiber les stimulus adéquats mais non pertinents. Ainsi, pour penser, l'adolescent doit inhiber selon la tache à accomplir certaines compétences antérieures....ce qu'il fait en général correctement s'il a confiance en lui, s'il est soutenu, et s'il ne souffre par de certaines pathologies, (TDAH) ..Certains jeunes échoueraient dans les apprentissages car ils n'auraient pas "activé" l'une ou l'autre de ces opérations.
Ainsi, l'accès à la pensée abstraite ne dépends pas des compétences, mais de la "disponibilité" à s'en emparer. 
En 2008,  S Boimare a confirmé que ces adolescents refusant de penser n'ont pas de déficience intellectuelle, mais qu'ils ne parviennent pas à contrôler leurs processus cognitifs trop instables, ce qui les laisse à la merci de l 'angoisse et de l'excitation.
      Or l'irruption de la puberté est source d'angoisse et d’excitation, tout comme certaines situations sociales à forte valeur symbolique.
  

L’ÉCHEC SCOLAIRE COMME SYMPTÔME: Le sens du message (apport des théories analytiques)
Échec et identification paternelle

       Freud a maintenu tout au long de son œuvre le rôle fondateur du complexe d'Œdipe dans l'organisation psychique, même lorsqu'il s'est tourné vers l'approfondissement des phases les plus précoces du développement. Il a en outre introduit la notion d'identification primaire " identification directe, immédiate, antérieure à toute concentration sur un objet quelconque ", qui pour Lacan sera assimilée à une identification primaire au nom du père, identification symbolique. Freud fait intervenir les qualités du père avant même que celui-ci ne puisse être différencié dans son rôle, et qui en fait recevra son plein sens lors du complexe œdipien par la voie des identifications secondaires à un père identifié comme tel.
La castration symbolique opérée par le père réel, porteur de la loi ouvre à la vie symbolique.
Avec l'œdipe, le garçon est séparé, c'est-à-dire castré de sa mère par le père qui a été lui-même castré par son propre père. Pour Freud, l'inéluctable est non pas la castration mais l'angoisse devant celle-ci.
La castration symbolique, c'est ce qui se transmet de génération en génération par la loi dont le père est le représentant. 

       Le père réel peut ne pas être le géniteur. F. Dolto écrit : " Être père, c'est donner son nom à son enfant, c'est payer de son travail la subsistance de cet enfant, c'est l'éduquer, l'instruire, c'est l'appeler à plus de vie, plus de désir, c'est bien différent que d'être géniteur. Tant mieux si le père est géniteur, mais il n'y a que des pères adoptifs... Un père doit toujours adopter son enfant... il n'y a de père qu'adoptif ". Le père adopte son enfant en le nommant ; il l'inclut dans l'ordre des générations en le reconnaissant comme sujet d'un désir. Or, c'est avec la résolution de l'Œdipe que ce désir peut se manifester.

     Chez les psychanalystes contemporains, il est beaucoup moins question de triangle œdipien que de triangulation. Le père, s'il trouve son véritable sens au moment de l'Œdipe, n'en est pas moins engagé, mais indirectement, dans la dynamique de cette dyade mère-enfant, spécifique à la relation primaire, il en assure le cadre. Cette situation de base est commune à la grande majorité des cultures. L'interaction des deux parents a ses conséquences pour l'enfant. Dans le cas où le père, ou son substitut est absent, cette absence est présente car la mère et la façon dont elle fera place ou non à cette absence orientera son interaction avec son enfant.

       L'enfant n'est plus vu dans le cadre de son appareil psychique. Il s'agit de le situer dans son environnement. « L'environnement parental est d'abord celui d'un parent avec son fonctionnement mental, c'est-à-dire avec son inconscient et les désirs contradictoires qui l'animent ».

    Dès la naissance, la triangulation est en place. La suite ne sera plus qu'une série d'investissements et de contre investissements, une suite d'interactions entre chaque membre du triangle : l'enfant, l'objet maternel et le porteur de la loi.
Par sa seule présence, l'enfant met en jeu non tant la relation des parents à sa personne que le rapport de chaque parent à sa problématique personnelle. Ce qui se mobilise chez les parents dans leur couple dépend en fin de compte de leur propre élaboration mentale et œdipienne. Plus particulièrement, les aléas de celle-ci engagent les possibilités fantasmatiques de leur enfant. L'échec scolaire est un symptôme qui peut être mis en relation avec la pulsion sexuelle, d'où la nécessité de la différenciation sexuelle dans le développement en regard de ce symptôme.

L'échec comme réponse au désir implicite des parents

      Apprendre se situe dans la capacité à se séparer, à se quitter. Alors, pour des enfants ou adolescents " intelligents ", que peut signifier le refus de la connaissance .Que redoutent les adolescents qui n'apprennent pas ? S'agit-il de craintes de connaître des secrets auxquels on ne doit pas avoir accès et par là même d'accéder à un nouveau statut (grandir) qui est générateur d'angoisse ?

      L'accès à une certaine forme de connaissance, de la culture peut être transgression par rapport à un milieu familial qu'il pourrait être dangereux de dépasser ou de trahir : il est interdit de savoir, ou/et le fait de penser réveille des peurs anciennes qui engendrent une position de déséquilibre, de malaise. Alors il faut l'éviter et remettre en cause de cadre du savoir
" S'il est interdit de savoir ": Pour certains adolescents, savoir, c'est transgresser et dépasser des interdits. Si ces adolescents-là faisaient fonctionner leur intelligence et leur curiosité, ils pourraient avoir accès à des " choses " qu'ils ne doivent pas connaître. L'enjeu serait de découvrir des non-dits, des silences familiaux. On comprend dès lors qu'apprendre soit perçu comme un risque. Les adolescents inhibent leur curiosité, fractionne leur intelligence en secteurs et se conforment à ce qui est attendu d'eux. Ils demeurent ainsi en-deçà d'un certain savoir et répondent à la demande implicite du groupe familial.

         Apprendre et penser, c'est accepter de se situer face à des règles et des lois établies.
       Apprendre, c'est ne pas être dans l'illusion du déjà savoir, et accepter par là même la frustration. L'écriture, la lecture accompagnent l'adolescent dans cette acceptation (a contrario, le " tag " est une forme d'écriture qui refuse la frustration).

       Certains adolescents se situent dans le paradoxe où ils sont prêts à savoir, mais refusent la démarche qui consiste à penser, à apprendre. Ainsi, ces adolescents ne peuvent accepter un minimum de confrontation avec le doute : dès que les informations ne sont plus réglées par des liens de certitude, dès qu'un temps d'arrêt est nécessaire pour une élaboration même minime - ce qui doit être su n'étant pas donné d'emblée mais exigeant de leur part d'associer, de faire des liens, de chercher - alors, ils sont en proie au malaise. Ils semblent ne plus pouvoir rassembler leurs capacités intellectuelles pour prendre de la distance avec ce qui est perçu directement, pour délaisser momentanément certains de leurs repères afin d'entrer dans un code nouveau.
La perspective d'avoir à quitter leurs repères provoque chez ces adolescents des réactions défensives et peut se solder par une véritable déroute, comme s'ils se trouvaient confrontés à une brèche, à un vide. Il semble que se produise alors une réactivation des craintes, de peurs archaïques articulées à des thèmes de mort et de sexualité. L'agressivité et la libido ont du mal à être liées et négociées. En dernier ressort, ces craintes renvoient à une angoisse de castration.

      Échouer c'est ne plus répondre à de multiples demandes et en particulier aux attentes parentales. Bannis, ils craignent de voir se raréfier l'investissement parental à leur égard. Les échanges avec les parents deviennent difficiles car les attentes de ces derniers deviennent de redoutables enjeux. Ceci ne fait qu'aggraver l'échec car, ne se sentant plus " aimables ", ces adolescents endossent à long terme l'étiquette de la non-réussite.

L'échec comme impossibilité d'élaboration d'un espace transitionnel

     Être en échec, pour certains adolescents, c'est " avoir réussi ". Cela peut paraître paradoxal. Mais seul le paradoxe permet d'avancer car il renvoie à l'ambivalence, matrice originelle de la plasticité du développement humain.
L'échec a une fonction cathartique, l'adolescent peut alors se positionner de façon économique face à un conflit qu'il ne peut surmonter et qui, faute de sens, n'est d'ailleurs pas surmontable. Par sa position d'" être en échec ", l'adolescent pose un temps d'arrêt, de cristallisation, afin de faire face au mieux à la situation conflictuelle qui s'apparente à un double lien.
       Si cet espace est investi par des tiers, réussir devient alors risqué, car cela revient à se faire " incorporer ". Inversement, échouer c'est réussir, réussir à se protéger de cette dévoration, mais à quel prix ?
Apprendre et réussir n'est possible que s'il y a " défusion ". Ce sont précisément les parents qui ne peuvent accepter d'être dépassés qui ont des enfants pour qui réussir, c'est commettre
 un "parricide".
    

Étude du cas Patrice : l'identification invalidante.
 
      La première fois que nous voyons cet enfant, il nous est adressé par l'enseignante de CM2 qui ne sait " qu'en faire " à la rentrée suivante. Patrice a déjà deux ans de retard, il est complètement dyslexique et dysorthographique. Par contre, il est capable de suivre avec une grande facilité les matières autres que la lecture et l'orthographe y compris les résolutions d'opérations mathématiques complexes, si les données lui sont apportées oralement.

      Le dossier et les entretiens avec les différents enseignants et rééducateurs nous apprennent les faits suivants : la famille est très défavorisée sur le plan socio-culturel (père éthylique, parents analphabètes vivant dans des conditions matérielles assez misérables, deux pièces pour une famille de trois enfants) ; le père travaille à temps partiel " quand il trouve un travail au noir " (dans des ateliers clandestins, nombreux à l'époque dans le 3e arrondissement de Paris) ; la mère est au foyer, un éthylisme est suspecté chez elle également. Un frère aîné est en SES après avoir suivi la filière " perfectionnement ", il est considéré à l'époque comme à la limite de la débilité moyenne. Une sœur en CE est en échec scolaire complet après deux redoublements, et doit elle-même fréquenter une filière spécialisée à la rentrée suivante.

      Patrice, lui, a été signalé pour la première fois en grande section d'école maternelle car son institutrice trouvait son comportement " bizarre " : Patrice était un enfant très gentil, très éveillé, mais qui semblait se bloquer dès qu'on lui demandait une tâche de type scolaire. Elle note par ailleurs un fait curieux, selon elle : " Le même effort de raisonnement, mais demandé de façon ludique, non scolaire, s'avère accompli par l'enfant avec une facilité déconcertante. " L'examen psychologique pratiqué au sein des services scolaires révèle un fonctionnement cognitif des plus satisfaisants, et. après contact avec la famille, une prise en charge d'aide psychologique s'effectue quelque temps, mais la famille, négligente et/ou défensive, l'interrompt rapidement et devient par la suite sourde à tous les appels (convocations des psychologues, des enseignants, etc.)
En échec au CP par rapport à l'apprentissage de la lecture, Patrice est aidé en relation duelle une fois par semaine par la rééducatrice de l'école. Au bout de deux années scolaires, cette dernière est déconcertée. Elle note que ce n'est pas la peine de poursuivre l'aide : Patrice apprend et retient facilement, mais d'une semaine sur l'autre semble dépenser une énergie considérable à " oublier " tout ce qui lui a été enseigné. Il passe ainsi de classe en classe, avec ce handicap qui, consciemment, l'affecte beaucoup, puis redouble le CM1 et le CM2.

      C'est à cette époque que nous faisons sa connaissance. Patrice se présente comme un adolescent (il a 13 ans) gentil, serviable, un peu efféminé. Il dit être très gêné par cette dyslexie persistante d'autant qu'il aimerait devenir dessinateur industriel. Or, la seule orientation qui semble possible à l'époque vu son âge et ses difficultés, est au mieux la CCPN (classe pré-professionnelle de niveau) ou la SES (section d'éducation spécialisée). 
A notre étonnement, il obtient 129 de QI global au WISC, avec des résultats légèrement supérieurs en performance et avec la note la plus élevée à l'épreuve des cubes (ce qui témoigne d'une pensée analytico-synthétique très élaborée). Les résultats à d'autres épreuves (PM47 entre autres) complètent l'examen et confirment cette qualité du développement cognitif.
      Après un long entretien, il nous apparaît que Patrice à la fois s'identifie de manière massive à son père, mais parle de lui avec une grande tendresse et beaucoup de respect, excusant son éthylisme et essayant sans cesse de le réhabiliter à nos yeux : " il est intelligent, mon père, faut pas croire... il sait faire des tas de choses et me raconte pleins de trucs... il dit qu'il s'en est toujours bien sorti sans savoir lire, alors, tant pis, je ferai pareil, ce doit être héréditaire. " Effectivement, en classe, Patrice " s'en sort bien " malgré tout : il va régulièrement au Centre G. Pompidou emprunter des cassettes, apporte des documents sonores à l'école, est un des plus actifs dans les activités dites d'éveil, etc. 
Devant la maturité dont il fait preuve, nous tentons de lui expliquer que pour lui, et à son insu, apprendre à lire. c'est en quelque sorte trahir sa famille, son père surtout, puisque c'est le dépasser. Nous tentons en outre de le persuader qu'il se trompe, que les exigences de la société ont évolué et que pour réussir seulement comme son père, il faut maintenant savoir lire.

      Nous décidons ensemble d'une stratégie pour lui permettre d'accéder à la classe de sixième " tout venant " :

1. Essayer de faire accepter à l'école et aux commissions administratives qu'il triple son CM2 avec un instituteur homme (le seul de l'école), Patrice n'ayant eu jusque là affaire qu'à des femmes.

2. Adopter une stratégie de relation d'aide : Patrice prendra lui-même rendez-vous au CMPP voisin (nous les avons auparavant prévenus de l'importance de la qualité de leur réponse) pour qu'on l'aide à supporter l'angoisse accompagnant l'acceptation éventuelle de cette démarche vers l'adaptation. Il accomplira seul cette démarche.

       L'instituteur de l'école, bien que sceptique, accepte de " jouer le jeu " et nous obtenons le triplement de Patrice à titre exceptionnel. Ce dernier tient ses engagements et se rend, dès la semaine suivante, au CMPP où une psychothérapie se met en place. 
      L'année scolaire suivante, l'enseignant ne remarque aucun changement notoire chez Patrice jusqu'en novembre : il participe, est très actif et efficace (exposés oraux etc.) mais vite bloqué au niveau de la langue écrite. Puis, courant novembre, il amène un livre " dont il fait cadeau à la bibliothèque de la classe ". Devant la réaction de l'instituteur affirmant qu'il accepte le cadeau mais qu'il aimerait que tout le monde, y compris lui, Patrice, puisse en profiter, ce dernier ne répond rien, mais deux jours après, demande à son instituteur de bénéficier de leçons particulières d'orthographe et de lecture pendant le temps libre de l'interclasse. (Ils déjeunent tous deux sur place, et cette proposition lui avait été faite gracieusement début septembre. Jusque là, il ne l'avait jamais relevée.)
Patrice apprend à lire couramment et orthographie à peu près la langue française pendant les mois qui suivent. Il est admis en 6ème à la rentrée suivante. Son professeur principal, mis au courant de la situation, accepte d'être très indulgent au départ et de servir de médiateur auprès de ses collègues. Après des débuts difficiles, il passe finalement en 5ème.
      Nous avons su que Patrice avait obtenu son BEPC quatre ans plus tard. Mais la conseillère d'orientation-psychologue, qui l'a vu à plusieurs reprises, a été saisie de la progression de l'aspect efféminé de cet adolescent, puis de ce jeune homme, aspect que j'avais déjà remarqué lorsqu'il était au CM2.(1)

       Le cas de cet enfant nous paraît typique des interdictions qui peuvent peser sur certains enfants de la part de leur milieu familial

      Ici, le blocage tellement massif a permis de décrypter malgré tout assez facilement les difficultés de fonctionnement avec lesquelles cet enfant était aux prises. Il aura tout de même fallu attendre sept ans, de la fin de section maternelle au deuxième CM2, pour que le message soit clair. Mais aurait-on pu intervenir avant, en grande section en particulier, au moment où, pour l'enfant de cet âge, les valeurs de la famille sont des absolus ? Nous ne le croyons pas. Patrice s'est " adapté " grâce à un équipement cognitif particulièrement brillant, lui ayant permis de comprendre, puis de mieux s'organiser dans son fonctionnement. 
      On ne peut s'empêcher de penser à tous ceux pour qui le jeu des identifications et des choix d'objets se déroule de manière plus discrète, mais peut-être tout aussi " efficace ", agissant sur la motivation, sur le manque d'investissement de l'école, traduction du transfert impossible sur l'enseignant qui symbolise cette institution.
      On peut d'autre part s'interroger sur le " prix " que cet enfant a certainement payé pour s'adapter : l'émergence, puis la confirmation de plus en plus importante de cet aspect efféminé n'est-elle pas en relation avec ce prix : cliver entre le concept " d'homme " et " d'érudit ", abandonner une partie de sa masculinité, négociant ainsi ces concepts et sauvegardant de ce fait l'imago paternelle associée à la virilité, mais aussi à illettrisme. En renonçant à l'identification paternelle, il a aussi renoncé à devenir homme. Ce n'est qu'à ce prix qu'il a pu accepter de devenir " cultivé ", son père devenant alors un choix d'objet libidinal.


POUR  UNE APPROCHE PLURIELLE:

     Si ces deux théories semblent s'exclure, c'est tout simplement qu'elles s'appliquent de façon préférentielle à un type de public plutôt qu'un à autre.
     En dépit de ceci, de nombreux médecins et psychologues postulent que la pensée se développe grâce à l'environnement et débute dans les premiers jours de la vie.La pensée n'est pas simplement une affaire de patrimoine génétique, même si celui-ci joue un rôle indéniable.Elle est constamment menacée dans sa construction, dans son développement, et dans son déploiement, non seulement par le psychisme et ses conflits, mais aussi par un environnement qui n'assure pas son rôle de soutien et d'encadrement.
     Dans ce cas, seule l'intervention d'une tierce personne, le plus souvent un soignant peut aider le jeune.
     L'objectif est de permettre à l’adolescent de développer sa créativité et sa pensée réflexible. On le "nourrit" culturellement, on le fait parler , et on donne un sens aux savoirs et suppositions proposées.


POURQUOI UN BILAN PSYCHOLOGIQUE DANS L'APPROCHE DE L'ÉCHEC SCOLAIRE?:

Comprendre le mal-être de l'enfant
 
Les tests d'intelligence évaluent une efficience intellectuelle.
Une grande prudence est recommandée dans la divulgation des résultats.
Il peut y avoir échec scolaire alors que l'intelligence de l'enfant est normale.
Le psychologue a aussi recours à des tests de personnalité.

Un bilan orthophonique est très souvent souhaitable.


       Les tests d’efficience:
      Les échelles de type Wechsler permettent de calculer directement un QI qui situe le sujet par rapport à son groupe d'âge. La population se répartit statistiquement selon une courbe de Gauss où la moyenne est de 100 et l'écart-type de 15. A plus deux écarts-types (QI supérieur à 130) on considère que le sujet a une intelligence supérieure, alors qu'à moins deux écarts-types (QI inférieur à 70) on parle de « débilité », les variations de la normale se situant entre ces deux notes.
       Les échelles de type Weschler sont des échelles composites qui font appel à des items verbaux (échelle verbale) mais aussi à des items non verbaux (échelle performance), ces derniers ne faisant en principe pas appel au langage. Chaque « sous-test » de ces deux échelles mesure une facette différente de l'intelligence, sollicitant tour à tour les capacités perceptives, de raisonnement abstrait, les acquisitions scolaires et culturelles, les repérages spatio-temporels, l'adaptation à la réalité sociale, la vitesse de traitement des informations, la mémoire immédiate.
Les résultats à ces différentes mesures sont résumés en notes composites qui donnent des estimations des aptitudes intellectuelles de l'enfant. Quel que soit les résultats du QI  obtenu, il ne faut ni surestimer ni sous-estimer sa valeur. Cette mesure peut varier dans le temps, mais aussi en fonction des conditions du déroulement et de l'état psychique de l'enfant à ce moment-là. C'est pourquoi les QI doivent toujours être accompagnés d'une interprétation détaillée des notes aux différents sous-tests, tenant compte de leur homogénéité ou de leur hétérogénéité relative, en fonction du contexte clinique. Il  est aussi nécessaire aussi d’être attentif à la présence et au rôle possibles de troubles instrumentaux spécifiques (déficits sensoriels, troubles psychomoteurs ou du langage) qui peuvent peser lourdement sur la réussite scolaire.


      En effet, le test de niveau peut révéler une déficience intellectuelle dite aussi « retard mental » qui explique réellement l'échec scolaire de l'enfant. Cette reconnaissance doit lui être bénéfique, permettre de le diriger vers des structures et des méthodes spécialisées d'apprentissage scolaire où il pourra s'épanouir en fonction de ses capacités.
On peut souvent être confronté à un constat paradoxal : un QI élevé ne correspond pas forcément à une bonne réussite scolaire alors qu'à l'inverse un enfant dont le QI est en dessous de la moyenne peut avoir une scolarité satisfaisante jusqu'à un certain degré de difficulté. Il est possible parfois que l'enfant soit réellement surdoué et cependant en échec scolaire du fait d'une inadéquation effective entre sa précocité et la scolarité de son âge. Dans ce cas bien particulier d'échec scolaire, c'est toujours la globalité psychique de l'enfant qu'il faudra prendre en compte. Il faut dès lors envisager des hypothèses autres que celles de l'insuffisance intellectuelle pour expliquer l'échec scolaire, qui prend alors valeur de « symptôme ». Ce symptôme a en général une grande résonance tant pour l'enfant que pour son milieu. Du côté de l'enfant, l'échec peut être vécu comme une blessure narcissique qui le déprime, l'isole ou au contraire le pousse à des défenses comportementales qui lui donnent un statut : il pourra par exemple être le « chef de bande à la récré » à défaut d'être le « bon élève ».
L'échec scolaire peut atteindre aussi fortement le narcissisme des parents déçus dans leurs attentes. On voit ici que les enjeux de la réussite scolaire dépassent largement le cadre strict des apprentissages et engagent en profondeur l'économie des relations au sein de la famille et du champ social. Il arrive que des parents trop vivement touchés par l'échec scolaire de leur enfant veuillent y voir un signe de précocité, d'inadaptation de l'école aux capacités supposées supérieures de l'enfant. Le test de niveau sera alors une sorte d'épreuve de la réalité. Cette épreuve de réalité que constitue la mesure de l'intelligence peut modifier le regard des parents sur leur enfant et de ce fait le vécu de celui-ci. Les tests de niveau montrent aussi qu'il peut y avoir échec scolaire alors que l'intelligence de l'enfant est normale. C'est ici qu'il apparaît le mieux comme un vrai symptôme, celui d'un malaise, d'un mal-être de l'enfant qu'il faudra chercher à comprendre. Le psychologue aura alors recours à d'autres tests, dits « de personnalité ».


      Conflits et troubles psychiques:
Les épreuves projectives de personnalité permettent de repérer nombre des conflits psychiques et donc ceux qui peuvent sous-tendre l'échec scolaire. Les épreuves utilisées sont le Rorschach connu comme test de taches d'encre (test de structuration de la personnalité), applicable à tous les âges et chez l'enfant dès que celui-ci peut s'exprimer verbalement et une épreuve dite « thématique » qui donne au sujet la possibilité de raconter une histoire à propos d'une image.. L'analyse des épreuves projectives liée au résultat à l'épreuve de niveau, va permettre de comprendre pourquoi et comment l'enfant ne peut exploiter au mieux ses ressources intellectuelles.
Chez les enfants, les processus de pensée sont étroitement tributaires du développement affectif lié à l'environnement. Dans cette configuration, le symptôme de l'échec scolaire peut renvoyer à des troubles de la personnalité très divers.
Celui que l'on rencontre le plus souvent est l'inhibition intellectuelle d'ordre névrotique. La pensée est investie de manière conflictuelle ou désinvestie à la mesure de l'angoisse qu'elle suscite en fonction des conflits infantiles. Par exemple, l'angoisse peut aussi être liée à des conflits identificatoires,(comme nous avons pu le souligner dans le cas précédemment rapporté)


     Le bilan psychologique permet aussi de distinguer l'échec scolaire de ce qui peut être une chute temporaire de l'efficience scolaire. 
    Tous les enfants peuvent connaître à un moment de leur scolarité de tels épisodes, qui peuvent aussi survenir comme troubles réactionnels à des événements familiaux. En cas d'échec scolaire, le bilan psychologique permet de situer l'enfant ou l'adolescent dans un fonctionnement global ou s'articulent dimensions intellectuelle, affective et sociale, d'aborder le rôle possible de difficultés spécifiques, et dans l'entretien clinique défavorable où l'enfant n'a pas accès aux outils nécessaires à son développement intellectuel. Tous ces éléments vont servir à orienter l'enfant vers la prise en charge la plus adaptée pour l'aider à ne plus vivre « l'échec scolaire » comme un barrage infranchissable, mais comme un obstacle à dépasser dans son parcours.





(1) extrait de l'article ,Cinique de l'échec scolaire.
Auteurs: Lucile Héraud-Bonnare, Jean-Paul Mouras


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