jeudi 16 janvier 2014

Dépression chez l'enfant et l'adolescent

θ Sommaire : 
LA DÉPRESSION CHEZ L'ENFANT                                                     
     Irritabilité,hyperactivité
     Quand le mal perdure
     L'enfant absorbe le mal être de son entourage 
FAIRE FACE A LA DÉPRESSION DE SON ENFANT 
     Instaurer le dialogue 
     Quelle prise en charge thérapeutique..?

LA DÉPRESSION CHEZ L'ADOLESCENT: UN PROBLÈME NOUVEAU ET BIEN ACTUEL...
POUR UNE DÉFINITION?
LES FORMES CLINIQUES DES TROUBLES DÉPRESSIFS A L'ADOLESCENCE
     Les dépressions réactionnelles
     Les dépressions endogènes

SPÉCIFICITÉS DE LA DÉPRESSION CHEZ L'ADOLESCENT
PRISE EN CHARGE
ÉTAT DES LIEUX ET PROSPECTIVES 
CONCLUSION



LA DÉPRESSION CHEZ L ENFANT:

Non, la dépression n’est pas réservée aux adultes. 
Chez l’enfant, l’état dépressif se manifeste de façon insidieuse, parfois trompeuse. Déménagement, séparation des parents, décès d’un proche… C’est souvent un événement perturbateur et déstabilisant qui en est à l’origine. Quels sont les signes de la dépression infantile ? Comment venir en aide à son enfant en souffrance ? Voici quelques pistes.

Irritabilité, hyperactivité…

     On a longtemps pensé que cette maladie était réservée aux adultes. Mais il n’y a pas d'âge pour aller mal.  
     Si tout le monde s'accorde sur le fait que l'adolescence est une période propice au mal-être, la déprime peut également toucher les enfants entre 6 et 12 ans. 
     Chez les jeunes, la dépression prend des formes très diverses, parfois insoupçonnées.
Les symptômes sont en effet différents de ceux de l’adulte. « La dépression infantile est troublante pour les parents car l'enfant ne se comporte pas de façon apparemment logique, C’est une sorte de dépression à éclipses, par à-coups, plus difficile à cerner que la dépression de l’adulte ».
    L’humeur dépressive peut être remplacée par l’irritabilité, l’amaigrissement peut laisser place à l’absence d’augmentation régulière du poids à cet âge. Les plaintes somatiques et le retrait, souvent discret, des relations sociales, sont fréquents. L’enfant a tendance à moins jouer et ses performances scolaires diminuent. Les enfants ont parfois du mal à verbaliser leur mal-être, c’est donc leur corps qui s’exprime pour eux. Certains vont moins jouer, moins manger, être abattus. D’autres, à l’inverse, vont être hyperactifs, très excités, voire agressifs. ».


 Quand le mal-être perdure…

     Perte du sommeil ou de l'appétit, anxiété, changements brutaux d'humeur, voire maladies de peau ou maux d'estomac sont autant d'indices du séisme émotionnel que subit l'enfant. 
Du moins, s’ils s’installent dans la durée, si ce mal-être, cet ennui, cette morosité et ce sentiment de tristesse perdurent et interfèrent avec la vie scolaire et les loisirs, ils doivent être réévalués et éventuellement reconsidérés comme annonciateurs d’un trouble dépressif

Dans son livre La dépression, 100 questions pour comprendre et guérir(Odile Jacob), le psychiatre Florian Ferreri précise ainsi : « La variation d’humeur est d’une grande banalité. Elle n’est pas préoccupante lorsqu’elle est compatible avec une énergie conservée, qu’elle dépend des circonstances, qu’elle est sans retentissement sur l’investissement scolaire et que l’intérêt pour les loisirs et les relations amicales n’est pas altéré.
  

L’enfant absorbe le mal-être de son entourage

   La dépression de l'enfant n’est ainsi pas envisageable sans tenir compte de son environnement, dont il est encore dépendant affectivement. Elle est très souvent liée, en réalité, au mal-être de son entourage et notamment à la mésentente des parents. " L’enfant est une véritable éponge", il est souvent très inquiet pour ses proches et absorbe leur mal-être. Des difficultés de couple ou de travail sont interprétées comme un risque d’abandon, d’interruption d’approvisionnement narcissique. » Les débats entre adultes doivent donc se faire à distance de l’enfant pour que l’atmosphère familiale retrouve de la sérénité



FAIRE FACE A LA DÉPRESSION DE SON ENFANT:
 
       Instaurer le dialogue

      Les parents se sentent souvent impuissants, parfois coupables de la déprime de leur enfant, surtout s’ils ont eux-mêmes traversé des épisodes dépressifs. Ce qui importe alors, c'est que l'entourage prenne le temps de discuter avec l'enfant, de l'écouter comme de lui parler. Il faudrait que les parents soient présents psychologiquement et physiquement à ses côtés,. Il serait souhaitable de  l’observer et d'instaurer un dialogue pour qu’il explique ce qu’il ressent. Il est important aussi de faire des choses avec lui, de partager des moments ensemble pour le rassurer. », ceci bien sur, si l'adulte lui-même est assez solide pour le réaliser.
 
Ce rapprochement permet souvent de trouver la cause de la dépression: la mort d'un proche, humain ou animal, un déménagement, un changement d'école ou encore un divorce. N'importe quel événement qui, d'une façon ou d'une autre, met brutalement fin à un ordre établi et déstabilise les repères de l'enfant.
 

       Quelle prise en charge thérapeutique ...?

      Enfant dépressif, adulte déprimé ? 
      Pas forcément. Les risques de récidive existent, mais ils sont moindres si la dépression a bien été prise en charge. Selon Moussa Nabati,  "ce n’est jamais un adulte qui déprime, mais toujours un enfant intérieur". 
      A l’âge adulte, un événement particulier, qu’il s’agisse d’une rupture ou d’un licenciement, peut faire resurgir la détresse de l’enfant. Mais quand on connaît ses fragilités et qu’on a travaillé dessus, elles peuvent aussi devenir une force.
      Si la dépression perdure, une psychothérapie peut être bénéfique en prenant l’enfant dans son contexte, en évaluant ses relations familiales et scolaires. « Si la déprime est légère, voir l’enfant pendant une heure toutes les semaines suffit.

      Si elle est sévère, avec par exemple des idées suicidaires, un traitement médicamenteux peut être nécessaire. Avec ces antidépresseurs, des effets secondaires sont possibles, comme des maux de têtes et des douleurs abdominales, mais il n’y pas de risques d’accoutumance. Leur action n’est pas immédiate, il faut compter deux à trois semaines pour savoir si le traitement est efficace. L’enfant est alors évalué une fois par mois avec sa famille et un suivi psychologique est conjointement indispensable.

LA DÉPRESSION CHEZ L' ADOLESCENT: UN PROBLÈME NOUVEAU ET BIEN ACTUEL

L’individualisation de la dépression chez l’enfant et l’adolescent procède de remaniements relativement récents des cadres nosographiques.
Longtemps méconnue, les manifestations thymiques étant attribuées à l’immaturité et à la labilité de l’organisation psychique.
La prise en charge de la dépression à l’adolescence a récemment fait l’objet de vives controverses, autour notamment de l’utilisation des antidépresseurs chez les adolescents. 

Au-delà de l’aspect polémique du débat, la question de la dépression à l’adolescence soulève diverses questions :

-la difficulté de l’évaluation des manifestations thymiques à l’adolescence

-l’intrication et la nécessaire intégration des éléments symptomatiques au contexte individuel et environnemental

-l’adaptation et la spécificité de la prise en charge de ces troubles à l’adolescence

POUR UNE DÉFINITION:

Critères DSM.IV de l’épisode dépressif majeur :
Épisode durant au moins deux semaines.
Épisode qui marque un changement par rapport au fonctionnement antérieur.
Pendant au mois deux semaines les symptômes sont présents de façon persistante,la plupart   du temps, presque tous les jours
Les symptômes sont à l’origine d’une détresse ou d’une altération du fonctionnement habituel.
Parmi les neuf symptômes suivants, cinq au moins sont présents et obligatoirement le premier ou le deuxième :
1 - humeur dépressive ou irritabilité
2 - réduction marquée de l’intérêt ou du plaisir dans toutes les activités ou presque
3 - perte ou gain notable de poids ou réduction ou augmentation de l’appétit
4 - insomnie ou hypersomnie
5 - agitation ou ralentissement psychomoteur
6 - fatigue ou perte d’énergie
7 - sentiment d’indignité ou culpabilité excessive ou inappropriée
8 - difficultés de concentration ou indécision
9 - pensée récurrente de mort ou de suicide ou tentative de suicide


LES FORMES CLINIQUES DES TROUBLES DÉPRESSIFS A L’ADOLESCENCE :

Les formes cliniques d'états dépressifs peuvent être classées selon différents critères, tels que,  l’intensité, les perturbations cliniques très importantes quelles peuvent engendrées,ou leurs étiologies. Je privilégie cette approche par soucis de clarté.

Les dépressions réactionnelles ou exogènes sont dues à des causes extérieurs :
-à un deuil, à une perte : décès, maladie d’un parent, séparation des parents, évènement familial,...
-à une maladie somatique :en général, il s’agit d’une pathologie somatique grave, de mauvais pronostic, ou chronique, ou entraînant des douleurs, des handicaps, des contraintes...
-aux effets biologiques d’une maladie ou de certains traitements : corticoïdes,...

Les dépressions endogènes: 
Les dépressions endogènes et la crise de mélancolie sont des crises de dépression profonde avec tristesse permanente et sans relation avec les circonstances extérieures. Le patient ressent une sensation de malaise interne (cénesthésie) associée à une diminution de l'intérêt pour toutes les activités quotidiennes avec sentiment d'indignité de culpabilité. D'autre part, les troubles de la concentration et l'incapacité décisionnelle avec angoisse intense viennent compléter le tableau clinique.

Le risque suicidaire est assez important. Cela constitue un danger dès le début de la maladie et durant toute la crise, ce qui exige une attention voir une surveillance de la part de l'entourage. Cette maladie qui concerne autant les enfants les adolescents que les adultes mais pour laquelle les risques semblent plus élevés chez les sujets âgés et les personnes isolées, est particulièrement grave chez les individus souffrant d'une intoxication alcoolique ou autre stupéfiant


SPÉCIFICITÉS DE LA DÉPRESSION CHEZ L ADOLESCENT.

     Les troubles dépressifs peuvent apparaître à l’adolescence, période de plus grande
vulnérabilité et de mal-être, et se traduire par une grande souffrance psychique.Chez l’adolescent, la dépression peut se manifester au travers de comportements nuisibles pour leur santé : abus d’alcool, de drogues, de médicaments (anxiolytiques, hypnotiques), états d’agitation, violence verbale, prise de risque, passage à l'acte, tentative de suicide, elle semble plus agie,  ou passer par une indifférence apparente.
     La dépression a un impact sur la vie quotidienne des adolescents et peut s’exprimer
par une irritabilité, un désinvestissement scolaire, des plaintes somatiques ou de
l’agressivité.
  Les facteurs psychosociaux, (dysfonctionnements relationnels intrafamiliaux, troubles psychologiques chez les parents, situations conflictuelles…), événements de vie négatifs et dépression à l’adolescence entretiennent des liens non univoques dans leur interprétation,  avec des variations importantes en fonction de différences méthodologiques entre les études. 
Ces facteurs interviendraient davantage comme événements précurseurs d’une vulnérabilité d’origine plurifactorielle préexistante.

La prévalence de la dépression chez le jeune de 15-24 ans est de 8,5 % (sur 1 an) en France.  L’épisode dépressif caractérisé est défini selon les critères diagnostiques des
classifications internationales.(1)
     Les idées suicidaires font souvent partie des symptômes de la dépression chez l’adolescent. 

     Ainsi, la dépression chez l’adolescent est associée à un risque suicidaire et la répétition des tentatives de suicide se produit dans un tiers des cas.Le suicide est la deuxième cause de
mortalité en France chez le jeune de 15-24 ans, soit environ 600 décès par an et un taux de décès de 6,7 pour 100 000, ces chiffres étant très certainement sous-estimés de 20 %.(2)
  

PRISE EN CHARGE

     L’abord thérapeutique de l’adolescent déprimé se déclinera selon des modalités diverses associées,en fonction des éléments cliniques, psychopathologiques, du contexte familial,
du retentissement des troubles. 

   Cette approche repose donc sur une évaluation minutieuse de la problématique de l’adolescent,de la dynamique familiale, du retentissement des manifestations symptomatiques, du risque suicidaire mais également sur l’appréciation des capacités de mobilisation et de
changement de l’adolescent et de son entourage autour du cadre thérapeutique proposé. 

    Elle vise notamment à resituer l’épisode actuel dans l’histoire infantile et récente de l’adolescent permettant la mise en perspective de ces éléments.

         L’objectif visé réside dans une relance des processus de changement.
 
       La situation de consultation, par la reconnaissance, la formulation des affects
dépressifs par le clinicien, permet la prise de conscience de "subjectifs émotionnels", souvent difficilement formulables par l’adolescent lui-même.

L’identification et la formulation des affects dépressifs, constituent une médiation sur laquelle pourra s’établir la relation thérapeutique. 
La prise en compte de l’entourage, son implication active dans la prise en charge de l’adolescent constitue également un élément clef afin de garantir la continuité de l’engagement thérapeutique.
La psychothérapie constitue la pierre angulaire de la prise en charge des adolescents déprimés mais elle peut se décliner selon des modalités, des références théoriques et pratiques différentes, en fonction de la sémiologie de l’épisode dépressif, des éléments psychodynamiques sous-tendant la symptomatologie dépressive, de la dynamique familiale, de la formation du clinicien…



ÉTATS DES LIEUX, ET PROSPECTIVES:
     Une majorité des adolescents consultent un médecin dans l’année, le plus souvent leur
médecin généraliste, mais celui-ci ne détecte pas toujours la souffrance psychique de
l’adolescent qui est souvent masquée derrière un élément somatique.
Il existe depuis peu en France un outil de repérage des symptômes dépressifs et de mesure de l’intensité dépressive spécifique de l’adolescent, l’Adolescent Depression Rating Scale (ADRS),(3), qui pourrait aider le médecin à repérer plus précocement les adolescents souffrant d’une dépression.
     Lorsque le repérage et le diagnostic sont effectués, se pose au médecin la question de la
prise en charge thérapeutique de la dépression de l’adolescent. Celle-ci peut faire appel aux
psychothérapies, voire à un antidépresseur inhibiteur de la recapture de la sérotonine.
L’utilisation des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine a suscité des interrogations
quant à l’augmentation du risque suicidaire qu’ils pourraient induire chez l’adolescent.
Il n’est pas toujours aisé pour le médecin généraliste de savoir à partir de quels critères
orienter l’adolescent vers des soins spécialisés, et vers quelle structure.(4)


CONCLUSION:

  nous ne  soulignerons jamais assez, l’importance d’une prise en charge précoce des manifestations dépressives à l’adolescence.

Toute position attentiste fait courir le risque d’un auto renforcement des conduites, entravant les potentialités ultérieures de l’adolescent. 
Rappelons également l’intérêt de prises en charge conjointes entre pédopsychiatres et médecins généralistes, par exemple, afin de faciliter l’appréhension de ces manifestations symptomatiques dans leur globalité, la construction de l’alliance thérapeutique entre l’adolescent, sa famille et les soignants.




(1),(2), (4) HAS – Service des bonnes pratiques professionnelles – Juillet 2011

(3) (Adolescent Depression Rating Scale ADRS : Revah-Levy et Fallissard, copyright AP-HP, 2004)

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