θ sommaire:
QU A T-ON LE DROIT D'EXIGER?
QUI DOIT FAIRE PREUVE D’AUTORITÉ?
COMMENT SAVOIR SI L'ON EST JUSTE OU INJUSTE?
FAMILLE RECOMPOSÉE
Il faut donc le poser d’emblée
: les limites sont indispensables à la construction d’un enfant. Et dénouer un
malentendu : un enfant sans limites n’est pas un enfant " libre ",
car il est l’otage de ses pulsions, et ce n’est pas un enfant " heureux
" car il vit dans l’angoisse. Livré à lui-même, en effet, l’enfant n’a pas
d’autre guide que sa satisfaction immédiate. Il veut quelque chose ? Il le
prend. Il n’est pas content ? Il frappe ou il casse.
Cette situation peut être pour lui agréable à court terme, mais elle est toujours très coûteuse à long terme. L’enfant à qui l’adulte ne met pas de limites n’apprend en effet jamais à s’en remettre à lui-même. Il est comme emporté par ses envies. Incapable de se contrôler, il vit dans l’angoisse et une culpabilité d’autant plus forte que, pour le jeune enfant, penser et faire sont très proches : si je souhaite la mort de mon petit frère, qui me dit que je ne vais pas le tuer puisqu’on ne m’interdit jamais rien ?
Cette situation peut être pour lui agréable à court terme, mais elle est toujours très coûteuse à long terme. L’enfant à qui l’adulte ne met pas de limites n’apprend en effet jamais à s’en remettre à lui-même. Il est comme emporté par ses envies. Incapable de se contrôler, il vit dans l’angoisse et une culpabilité d’autant plus forte que, pour le jeune enfant, penser et faire sont très proches : si je souhaite la mort de mon petit frère, qui me dit que je ne vais pas le tuer puisqu’on ne m’interdit jamais rien ?
De plus, en ne balisant pas le
monde d’interdits, l’adulte en fait pour l’enfant une jungle où tout peut
arriver. Si je suis le plus fort, je dévore l’ennemi. Mais si je suis plus
faible que lui, qui va me protéger puisqu’il n’y a pas de loi ? On comprend dès
lors pourquoi les enfants sans limites souffrent si souvent des cauchemars, de
la peur du noir, de la nuit, des voleurs, etc. Si papa n’est pas assez fort
pour me faire obéir, comment pourrait-il me protéger des brigands ? Un adulte
laxiste n’est pas pour un enfant un adulte rassurant. Les enfants, d’ailleurs,
savent intuitivement cette importance des limites car ils les réclament.
Pousser les adultes à bout est en général, pour eux, une façon de demander des
limites. Quand ils ne les obtiennent pas, ils sont contraints de mettre
eux-mêmes un terme à leur " escalade " et le font en général avec
leur corps : ils tombent ou se blessent, Le
corps fait limite faute de mieux mais – outre qu’elle est dangereuse –, cette
limite est une fausse limite car elle n’apprend rien. Elle n’inscrit rien dans
la tête de l’enfant.
A cette question, on peut
répondre simplement en disant que les parents ont non seulement le droit, mais
le devoir d’enseigner à leur enfant les limites qui vont lui permettre de
" s’humaniser ", d’accéder aux règles de la vie humaine. Au XIIe
siècle, " interdire " se disait " entredire ". L’interdit,
c’est ce qui se dit " entre " les êtres, ce qui permet la
communication humaine, la vie avec les autres. Les limites indispensables à
l’enfant sont donc celles qui vont lui permettre :
- De savoir qui il est. Il
n’est pas un animal mais un humain. Il n’est donc pas question de le laisser
régler ses problèmes à coups de griffes ou de dents : chez les humains, on
parle, même dans les cours d’écoles maternelles !
- De savoir quelle place il a.
Par rapport aux générations : il est l’enfant de ses parents, il n’est pas un
adulte. Il n’a pas à régenter la vie de la famille, à être le confident de ses
parents ou à leur parler comme à des copains. Par rapport à l’interdit de
l’inceste : il faut que l’enfant comprenne qu’il ne pourra épouser ni "
papa " ni " maman ", et surtout que papa et maman ne sont pas
" tout à lui " car ils sont aussi un couple, qu’ils étaient un couple
avant d’être ses parents, et que c’est même cela qui a permis qu’il naisse.
Cela implique donc de lui imposer le respect de la vie de chaque parent et de
celle du couple, le respect de moments et de lieux : on ne fait pas irruption
dans la chambre parentale, on ne mobilise pas, sous des prétextes fallacieux,
l’un ou l’autre de ses parents la nuit, etc.
- De comprendre les règles du
monde dans lequel il vit. On ne peut pas faire n’importe quoi, on n’a pas tous
les droits, on ne peut pas tout avoir (inutile donc de se rouler par terre au
supermarché pour qu’on vous achète le magasin entier…). Et quand on veut
parvenir à quelque chose, il y a toujours un prix à payer : on ne devient pas
un grand sportif sans s’entraîner, on ne réussit pas à l’école sans travailler.
Enfin, il est fondamental que
l’enfant comprenne que ces règles n’ont pas été inventées par les adultes pour
" embêter " les enfants, qu’elles ne leur sont pas réservées, que les
adultes y sont eux aussi soumis. Parce que le monde fonctionne ainsi. Mettre ce
type de limites à un enfant ne lui fait pas plaisir et il arrive même qu’il
souffre car il se voit privé d’un plaisir immédiat. Mais on ne se construit pas
sans cette souffrance-là.
QUI DOIT FAIRE PREUVE D’AUTORITÉ ?
Cette question préoccupe
également beaucoup de parents. C’est au père de poser les limites, et à la mère
de les rappeler quand il n’est pas là en faisant référence à lui. En fait, pour
que l’autorité fonctionne, il faut que la mère intervienne " au nom du
père ". Il ne s’agit pas, bien sûr, qu’elle demande l’avis du père pour
l’achat de la moindre chaussette, mais il s’agit qu’elle fasse comprendre à
l’enfant que rien dans son éducation ne se décide sans lui. Pourquoi ? Parce
que mettre des limites à un enfant dans une famille a pour but de lui permettre
de comprendre ce qu’est la loi dans la communauté des hommes, la loi dans la
société. Or la loi a deux caractéristiques :
- Elle est ce qui intervient
" en tiers " entre les individus : mon voisin et moi ne réglons pas
nos problèmes à coups de fusil parce que nous pouvons faire appel à la loi qui
est entre nous… comme le père et sa parole le sont entre la mère et l’enfant.
- Elle est ce que l’on
respecte, même en l’absence de tout "gardien de l’ordre" : nous nous
arrêtons aux feux rouges même si aucun policier n’est visible à l’horizon.
Quand, dans une famille, une
mère dit à son enfant : " Ton père n’est pas là, mais je t’interdis de
faire cela parce qu’il t’a dit de ne pas le faire ", elle lui permet de
comprendre ce qu’est la loi. En se référant à la parole du père, elle montre en
effet à l’enfant que, alors qu’il la croit toute-puissante, elle accepte un
interdit qui ne vient pas d’elle, qu’elle ne " fait pas la loi ".
Donc, si de son côté, le père
explique clairement à l’enfant que les interdits qu’il pose ne sont pas nés de
son bon plaisir, qu’il les respecte lui aussi, l’enfant comprend que la loi
n’appartient à personne et que chacun y est soumis. En lui rappelant les
paroles de son père, la mère montre également à l’enfant qu’elle a un recours
par rapport à lui : " Si tu ne fais pas ce qu’a dit ton père, tu te
débrouilleras avec lui ! " Elle évite ainsi de s’enliser avec lui dans ces
conflits sans fin d’où les mères sortent toujours perdantes et les enfants –
pour leur malheur – toujours vainqueurs. Et le problème n’est pas différent si
la mère vit seule avec son enfant. Même en l’absence du père, la mère peut se
référer à sa parole, à ce qu’il aurait dit, ou à ce que dirait n’importe quel
père.
Ce tourment de bien des parents
donne raison à Freud qui mettait la tâche d’éduquer – avec celle de "
gouverner " et de " psychanalyser " – au rang des "
impossibles ".
Y a-t-il des " recettes
" pour savoir si l’on ne se trompe pas ? Évidemment non. Mais il y a
certainement un repère. On n’est jamais injuste quand on met à ses enfants une
limite que n’importe quel parent mettrait dans les mêmes circonstances. A
l’inverse, on risque de l’être quand la limite posée n’a pas d’autre
justification que ses lubies personnelles, sa névrose ou l’éducation que l’on a
soi-même reçue. Demander à ses enfants de manger des légumes n’a rien
d’anormal. Les cantonner à la purée de céleri sous prétexte qu’on a la passion
de cet aliment est sans doute beaucoup plus contestable…
FAMILLE RECOMPOSÉE
“T’as pas le droit, t’es pas
mon père !” Dans les familles " recomposées ", l’enfant ou
l’adolescent peut contester à son beau-père le droit de lui mettre des limites,
et souvent dans un contexte où la mère est elle-même mal à l’aise avec l’autorité
de son compagnon, parce qu’elle craint qu’il ne veuille supplanter le père ou
se sent inconsciemment coupable d’avoir divorcé.
Un " père de naissance
", on n’en a qu’un, mais un enfant a besoin, au quotidien, d’une présence
paternelle. Le compagnon de la mère est le seul à pouvoir jouer ce rôle car,
occupant le lit de cette dernière, il est de fait entre l’enfant et elle. C’est
lui qui garantit l’interdit de l’inceste. L’idéal serait que les choses soient
mises en place par le " père de naissance " : " En mon absence,
c’est X qui s’occupera de toi. " Malheureusement, c’est rarement possible.
C’est donc à la mère de parler
à l’enfant. Il faut qu’elle lui signifie qu’elle est d’accord pour que son
compagnon agisse en père. Il faut surtout que l’enfant comprenne que les adultes
se mettront d’accord pour tout ce qui concerne son éducation et ne le
laisseront pas se jouer de leurs discussions.