lundi 20 janvier 2014

Harcelement moral au travail

θ sommaire:
          - DÉFINITION
          - CARACTÉRISTIQUES
          - PROFILS
               Portait d'une victime
               Portrait d'un bourreau

          - COMMENT SE SORTIR D'UNE TELLE SITUATION?
          - AU CŒUR DU PROBLÈME, L'ESTIME DE SOI:
          - DES SOLUTIONS


          La souffrance au travail est un véritable problème aujourd'hui. Avant que des hommes et des femmes ne s'effondrent, victimes de harcèlement, pensons à comment prévenir et stopper ce processus ? 


DÉFINITION:

Le harcèlement moral au travail se définit par une conduite abusive (des gestes, des paroles, des attitudes, des comportements...) qui porte atteinte, par sa répétition et sa systématisation, à la dignité, ou à l'intégrité physique ou psychique d'une personne. Une conduite qui va dès lors mettre en péril l'emploi de cette personne ou dégrader le climat de travail.

Il est important de différencier le harcèlement moral du stress, ou de l'agression ponctuelle, ou bien encore de mauvaises conditions de travail générales à l'entreprise.

CARACTÉRISTIQUES:
 
- les attaques sont le plus souvent individualisées. Elles visent une personne en particulier, et toujours la même.


- ces attaques se répètent sans cesse.

- elles ne concernent généralement pas la qualité du travail de la personne harcelée, mais son intimité : c'est l'être qui est pris à partie, pas son savoir-faire. 

- enfin, le propre du harcèlement moral, c'est qu'il n'y a pas deux interlocuteurs divisés par un conflit, il y a un dominant et un dominé, et surtout aucune raison objective à ce soudain déferlement de mépris, voire de haine.

Le “harceleur” ne dit jamais à sa victime ce qu'il lui reproche, pour la bonne raison que ces reproches sont la plupart du temps indicibles. Le harcèlement naît le plus souvent de problème de jalousie, de rivalité, ou de secrets cachés dans une entreprise (détournements, malversations...), que certains ont le malheur d'approcher d'un peu trop près.


PROFILS:
Tout le monde peut-il être un jour harcelé moralement au travail ?

N'importe qui peut être victime un jour, quelle que soit sa structure de personnalité. Mais certains sont plus armés que d'autres pour se défendre : notamment les personnes qui ont une réelle confiance en elles-mêmes et qui peuvent s'appuyer sur un environnement familial et amical solide et sécurisant.

Les personnes visées sont le plus souvent celles qui ont beaucoup investi dans leur travail et qui sont conscientes de bien faire. Ou celles qui ont un profil différent, couleur de peau, sexualité…Ces individus gênent certains.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les “harceleurs” ne visent pas forcément quelqu'un pour ses faiblesses mais plus pour sa non-conformité.

Ils vont alors s'employer à isoler leur victime par tous les moyens possibles pour ensuite l'agresser continuellement, sans raison aucune. Et c'est cette absence de raison qui fait rapidement perdre pied. La personne harcelée ne comprend pas ce qui lui arrive, tente de trouver un sens aux attaques mais n'obtient jamais de réponse. Elle finit par douter d'elle-même, ne sait plus ce qui est normal ou non dans le comportement des autres et dans le sien. L'engrenage est malheureusement très rapide.


Portrait d’une victime


Douée, consciencieuse, avenante, la victime consacre son énergie à donner le meilleur d’elle-même. Des qualités, précisément, que le pervers convoite. Plutôt vive et extravertie, elle a tendance à exprimer haut et fort ses réussites et ses bonheurs. Des attributs (statut social, créativité…) dont le pervers cherche à la dépouiller. Elle se fait donc en quelque sorte vampiriser. Généreuse de surcroît, elle ne peut se résoudre à la perversité et il n’est pas rare qu’elle cherche des excuses à son bourreau. Ce qui accroît sa vulnérabilité, c’est son sens des responsabilités et sa propension à se culpabiliser. C’est par là que le pervers l’"accroche" : touchée dans sa peur de faillir, elle admet trop facilement la critique et se tue à donner satisfaction. Avant de se résoudre (ou d’être poussée) à abandonner la partie, elle est devenue l’ombre d’elle-même. 


Portrait d’un bourreau


Au premier abord, il est charmant, plutôt brillant. Puis son ton se fait monocorde, son discours condescendant, son air supérieur. Ses armes favorites : isoler, disqualifier, refuser la communication, brimer. Inutile de le raisonner. C’est un individu « pervers », Il est fixé dans ce mode de relation à l’autre et ne se remet jamais en question. Il n’éprouve pas la moindre culpabilité : faire souffrir ne le fait pas souffrir, au contraire. Il est incapable d’empathie, incapable même d’identifier la souffrance de l’autre, puisque l’autre n’existe pas pour lui. Il nie son intégrité et son humanité. Son talent : taper là où ça fait mal et se faire passer lui-même pour victime de la prétendue incompétence ou malveillance de son bouc émissaire. A savoir : lorsque la victime décide de se soustraire à ses assauts, le pervers peut faire preuve d’une gentillesse inattendue. Sinon, privé de sa substance vitale, il se cherche au plus vite une nouvelle proie.

COMMENT SE SORTIR DE TELLES SITUATIONS ?

Il est important de réagir très vite car plus la situation de harcèlement perdure, plus les conséquences en seront traumatiques et profondes, et plus la victime aura du mal à s'en remettre.


Le harcèlement procède de manière très insidieuse, mais il allume tout de même quelques clignotants sur son passage. Il faut repérer les comportements, les gestes ou les paroles qui agressent, et ne pas les laisser passer. Le plus souvent, la personne harcelée préfère les oublier, parce qu'elle ne les comprend pas ou parce qu'elle en a honte (attitude fréquente dans les cas de harcèlement sexuel). Il faut verbaliser ces agressions, en parler à son entourage afin de ne pas laisser l'isolement s'installer. Tout ce qui ne semble pas normal doit être dit. Et si le sentiment de se sentir victime apparaît, il faut réagir. Il est souvent utile d'affronter la personne qui agresse en lui demandant des explications : si elle admet que quelque chose ne va pas, cela devient un conflit entre deux personnes que l'on pourra régler. Si elle nie, mais continue par la suite d'attaquer, c'est du harcèlement.

Dans ces cas-là, il est très important de parler, si possible à quelqu'un à l'intérieur de l'entreprise, ou à l'extérieur. Il faut contacter l'inspection du travail, un juriste ou un syndicaliste. Afin de mieux se défendre, il est souhaitable que la personne harcelée, note jour après jour les agressions dont elle est victime. Et si cette personne est profondément déstabilisée, elle doit se faire prendre en charge sur un plan psychologique et médical.


AU CŒUR DU PROBLÈME : L’ESTIME DE SOI:

« Les victimes idéales des pervers moraux sont celles qui, n’ayant pas confiance en elles, se sentent obligées d’en rajouter, d’en faire trop, pour donner à tout prix une meilleure image d’elles-mêmes ».

Chez les pervers eux-mêmes, on note un fonctionnement en miroir : l’autre, nié dans son individualité, est le reflet par lequel ils se sentent exister. Ils projettent sur lui les failles qu’ils refusent d’admettre en eux et se nourrissent en se valorisant à ses dépens. Autrement dit, les premières et les seconds ont, sans le savoir, un point commun : le manque d’estime de soi. Or, remarquent tous les thérapeutes, on assiste aujourd’hui à une recrudescence des pathologies du narcissisme – de l’image et de l’estime de soi –, cette capacité fondamentale à s’évaluer et à s’aimer.

Cette violence insidieuse pourrait donc être interprétée, au même titre que la toxicomanie ou la délinquance, comme la marque d’une époque où les moi des individus sont fragilisés, déstructurés par l’absence de repères éducatifs ou de valeurs morales. Elle serait une caricature de l’affirmation de soi. « Les pathologies du narcissisme sont des pathologies de l’insuffisance », explique encore Marie-France Hirigoyen. On demande aux gens d’être toujours plus performants, de sorte qu’ils ne sont jamais à la hauteur !" Résultat, on confond pouvoir et emprise, autorité et autoritarisme. Pour être un "battant", on croit qu’il faut "battre" les autres. 
DES SOLUTIONS:

Une vaste prise de conscience est en marche : Mots pour maux, une association de médecins du travail et de psychanalystes, propose un accueil aux victimes de harcèlement dans l’entreprise.

Chacun de nous est amené à s’interroger : "Est-ce que je respecte l’autre en tant que sujet ?" "Moi-même, suis-je respecté dans cette relation ?" "Quelles limites réciproques nous imposer ?" Si notre seuil de tolérance à la violence recule, c’est sans doute le signe d’une évolution collective et individuelle, psychique et positive.


 

jeudi 16 janvier 2014

Dépression chez l'enfant et l'adolescent

θ Sommaire : 
LA DÉPRESSION CHEZ L'ENFANT                                                     
     Irritabilité,hyperactivité
     Quand le mal perdure
     L'enfant absorbe le mal être de son entourage 
FAIRE FACE A LA DÉPRESSION DE SON ENFANT 
     Instaurer le dialogue 
     Quelle prise en charge thérapeutique..?

LA DÉPRESSION CHEZ L'ADOLESCENT: UN PROBLÈME NOUVEAU ET BIEN ACTUEL...
POUR UNE DÉFINITION?
LES FORMES CLINIQUES DES TROUBLES DÉPRESSIFS A L'ADOLESCENCE
     Les dépressions réactionnelles
     Les dépressions endogènes

SPÉCIFICITÉS DE LA DÉPRESSION CHEZ L'ADOLESCENT
PRISE EN CHARGE
ÉTAT DES LIEUX ET PROSPECTIVES 
CONCLUSION



LA DÉPRESSION CHEZ L ENFANT:

Non, la dépression n’est pas réservée aux adultes. 
Chez l’enfant, l’état dépressif se manifeste de façon insidieuse, parfois trompeuse. Déménagement, séparation des parents, décès d’un proche… C’est souvent un événement perturbateur et déstabilisant qui en est à l’origine. Quels sont les signes de la dépression infantile ? Comment venir en aide à son enfant en souffrance ? Voici quelques pistes.

Irritabilité, hyperactivité…

     On a longtemps pensé que cette maladie était réservée aux adultes. Mais il n’y a pas d'âge pour aller mal.  
     Si tout le monde s'accorde sur le fait que l'adolescence est une période propice au mal-être, la déprime peut également toucher les enfants entre 6 et 12 ans. 
     Chez les jeunes, la dépression prend des formes très diverses, parfois insoupçonnées.
Les symptômes sont en effet différents de ceux de l’adulte. « La dépression infantile est troublante pour les parents car l'enfant ne se comporte pas de façon apparemment logique, C’est une sorte de dépression à éclipses, par à-coups, plus difficile à cerner que la dépression de l’adulte ».
    L’humeur dépressive peut être remplacée par l’irritabilité, l’amaigrissement peut laisser place à l’absence d’augmentation régulière du poids à cet âge. Les plaintes somatiques et le retrait, souvent discret, des relations sociales, sont fréquents. L’enfant a tendance à moins jouer et ses performances scolaires diminuent. Les enfants ont parfois du mal à verbaliser leur mal-être, c’est donc leur corps qui s’exprime pour eux. Certains vont moins jouer, moins manger, être abattus. D’autres, à l’inverse, vont être hyperactifs, très excités, voire agressifs. ».


 Quand le mal-être perdure…

     Perte du sommeil ou de l'appétit, anxiété, changements brutaux d'humeur, voire maladies de peau ou maux d'estomac sont autant d'indices du séisme émotionnel que subit l'enfant. 
Du moins, s’ils s’installent dans la durée, si ce mal-être, cet ennui, cette morosité et ce sentiment de tristesse perdurent et interfèrent avec la vie scolaire et les loisirs, ils doivent être réévalués et éventuellement reconsidérés comme annonciateurs d’un trouble dépressif

Dans son livre La dépression, 100 questions pour comprendre et guérir(Odile Jacob), le psychiatre Florian Ferreri précise ainsi : « La variation d’humeur est d’une grande banalité. Elle n’est pas préoccupante lorsqu’elle est compatible avec une énergie conservée, qu’elle dépend des circonstances, qu’elle est sans retentissement sur l’investissement scolaire et que l’intérêt pour les loisirs et les relations amicales n’est pas altéré.
  

L’enfant absorbe le mal-être de son entourage

   La dépression de l'enfant n’est ainsi pas envisageable sans tenir compte de son environnement, dont il est encore dépendant affectivement. Elle est très souvent liée, en réalité, au mal-être de son entourage et notamment à la mésentente des parents. " L’enfant est une véritable éponge", il est souvent très inquiet pour ses proches et absorbe leur mal-être. Des difficultés de couple ou de travail sont interprétées comme un risque d’abandon, d’interruption d’approvisionnement narcissique. » Les débats entre adultes doivent donc se faire à distance de l’enfant pour que l’atmosphère familiale retrouve de la sérénité



FAIRE FACE A LA DÉPRESSION DE SON ENFANT:
 
       Instaurer le dialogue

      Les parents se sentent souvent impuissants, parfois coupables de la déprime de leur enfant, surtout s’ils ont eux-mêmes traversé des épisodes dépressifs. Ce qui importe alors, c'est que l'entourage prenne le temps de discuter avec l'enfant, de l'écouter comme de lui parler. Il faudrait que les parents soient présents psychologiquement et physiquement à ses côtés,. Il serait souhaitable de  l’observer et d'instaurer un dialogue pour qu’il explique ce qu’il ressent. Il est important aussi de faire des choses avec lui, de partager des moments ensemble pour le rassurer. », ceci bien sur, si l'adulte lui-même est assez solide pour le réaliser.
 
Ce rapprochement permet souvent de trouver la cause de la dépression: la mort d'un proche, humain ou animal, un déménagement, un changement d'école ou encore un divorce. N'importe quel événement qui, d'une façon ou d'une autre, met brutalement fin à un ordre établi et déstabilise les repères de l'enfant.
 

       Quelle prise en charge thérapeutique ...?

      Enfant dépressif, adulte déprimé ? 
      Pas forcément. Les risques de récidive existent, mais ils sont moindres si la dépression a bien été prise en charge. Selon Moussa Nabati,  "ce n’est jamais un adulte qui déprime, mais toujours un enfant intérieur". 
      A l’âge adulte, un événement particulier, qu’il s’agisse d’une rupture ou d’un licenciement, peut faire resurgir la détresse de l’enfant. Mais quand on connaît ses fragilités et qu’on a travaillé dessus, elles peuvent aussi devenir une force.
      Si la dépression perdure, une psychothérapie peut être bénéfique en prenant l’enfant dans son contexte, en évaluant ses relations familiales et scolaires. « Si la déprime est légère, voir l’enfant pendant une heure toutes les semaines suffit.

      Si elle est sévère, avec par exemple des idées suicidaires, un traitement médicamenteux peut être nécessaire. Avec ces antidépresseurs, des effets secondaires sont possibles, comme des maux de têtes et des douleurs abdominales, mais il n’y pas de risques d’accoutumance. Leur action n’est pas immédiate, il faut compter deux à trois semaines pour savoir si le traitement est efficace. L’enfant est alors évalué une fois par mois avec sa famille et un suivi psychologique est conjointement indispensable.

LA DÉPRESSION CHEZ L' ADOLESCENT: UN PROBLÈME NOUVEAU ET BIEN ACTUEL

L’individualisation de la dépression chez l’enfant et l’adolescent procède de remaniements relativement récents des cadres nosographiques.
Longtemps méconnue, les manifestations thymiques étant attribuées à l’immaturité et à la labilité de l’organisation psychique.
La prise en charge de la dépression à l’adolescence a récemment fait l’objet de vives controverses, autour notamment de l’utilisation des antidépresseurs chez les adolescents. 

Au-delà de l’aspect polémique du débat, la question de la dépression à l’adolescence soulève diverses questions :

-la difficulté de l’évaluation des manifestations thymiques à l’adolescence

-l’intrication et la nécessaire intégration des éléments symptomatiques au contexte individuel et environnemental

-l’adaptation et la spécificité de la prise en charge de ces troubles à l’adolescence

POUR UNE DÉFINITION:

Critères DSM.IV de l’épisode dépressif majeur :
Épisode durant au moins deux semaines.
Épisode qui marque un changement par rapport au fonctionnement antérieur.
Pendant au mois deux semaines les symptômes sont présents de façon persistante,la plupart   du temps, presque tous les jours
Les symptômes sont à l’origine d’une détresse ou d’une altération du fonctionnement habituel.
Parmi les neuf symptômes suivants, cinq au moins sont présents et obligatoirement le premier ou le deuxième :
1 - humeur dépressive ou irritabilité
2 - réduction marquée de l’intérêt ou du plaisir dans toutes les activités ou presque
3 - perte ou gain notable de poids ou réduction ou augmentation de l’appétit
4 - insomnie ou hypersomnie
5 - agitation ou ralentissement psychomoteur
6 - fatigue ou perte d’énergie
7 - sentiment d’indignité ou culpabilité excessive ou inappropriée
8 - difficultés de concentration ou indécision
9 - pensée récurrente de mort ou de suicide ou tentative de suicide


LES FORMES CLINIQUES DES TROUBLES DÉPRESSIFS A L’ADOLESCENCE :

Les formes cliniques d'états dépressifs peuvent être classées selon différents critères, tels que,  l’intensité, les perturbations cliniques très importantes quelles peuvent engendrées,ou leurs étiologies. Je privilégie cette approche par soucis de clarté.

Les dépressions réactionnelles ou exogènes sont dues à des causes extérieurs :
-à un deuil, à une perte : décès, maladie d’un parent, séparation des parents, évènement familial,...
-à une maladie somatique :en général, il s’agit d’une pathologie somatique grave, de mauvais pronostic, ou chronique, ou entraînant des douleurs, des handicaps, des contraintes...
-aux effets biologiques d’une maladie ou de certains traitements : corticoïdes,...

Les dépressions endogènes: 
Les dépressions endogènes et la crise de mélancolie sont des crises de dépression profonde avec tristesse permanente et sans relation avec les circonstances extérieures. Le patient ressent une sensation de malaise interne (cénesthésie) associée à une diminution de l'intérêt pour toutes les activités quotidiennes avec sentiment d'indignité de culpabilité. D'autre part, les troubles de la concentration et l'incapacité décisionnelle avec angoisse intense viennent compléter le tableau clinique.

Le risque suicidaire est assez important. Cela constitue un danger dès le début de la maladie et durant toute la crise, ce qui exige une attention voir une surveillance de la part de l'entourage. Cette maladie qui concerne autant les enfants les adolescents que les adultes mais pour laquelle les risques semblent plus élevés chez les sujets âgés et les personnes isolées, est particulièrement grave chez les individus souffrant d'une intoxication alcoolique ou autre stupéfiant


SPÉCIFICITÉS DE LA DÉPRESSION CHEZ L ADOLESCENT.

     Les troubles dépressifs peuvent apparaître à l’adolescence, période de plus grande
vulnérabilité et de mal-être, et se traduire par une grande souffrance psychique.Chez l’adolescent, la dépression peut se manifester au travers de comportements nuisibles pour leur santé : abus d’alcool, de drogues, de médicaments (anxiolytiques, hypnotiques), états d’agitation, violence verbale, prise de risque, passage à l'acte, tentative de suicide, elle semble plus agie,  ou passer par une indifférence apparente.
     La dépression a un impact sur la vie quotidienne des adolescents et peut s’exprimer
par une irritabilité, un désinvestissement scolaire, des plaintes somatiques ou de
l’agressivité.
  Les facteurs psychosociaux, (dysfonctionnements relationnels intrafamiliaux, troubles psychologiques chez les parents, situations conflictuelles…), événements de vie négatifs et dépression à l’adolescence entretiennent des liens non univoques dans leur interprétation,  avec des variations importantes en fonction de différences méthodologiques entre les études. 
Ces facteurs interviendraient davantage comme événements précurseurs d’une vulnérabilité d’origine plurifactorielle préexistante.

La prévalence de la dépression chez le jeune de 15-24 ans est de 8,5 % (sur 1 an) en France.  L’épisode dépressif caractérisé est défini selon les critères diagnostiques des
classifications internationales.(1)
     Les idées suicidaires font souvent partie des symptômes de la dépression chez l’adolescent. 

     Ainsi, la dépression chez l’adolescent est associée à un risque suicidaire et la répétition des tentatives de suicide se produit dans un tiers des cas.Le suicide est la deuxième cause de
mortalité en France chez le jeune de 15-24 ans, soit environ 600 décès par an et un taux de décès de 6,7 pour 100 000, ces chiffres étant très certainement sous-estimés de 20 %.(2)
  

PRISE EN CHARGE

     L’abord thérapeutique de l’adolescent déprimé se déclinera selon des modalités diverses associées,en fonction des éléments cliniques, psychopathologiques, du contexte familial,
du retentissement des troubles. 

   Cette approche repose donc sur une évaluation minutieuse de la problématique de l’adolescent,de la dynamique familiale, du retentissement des manifestations symptomatiques, du risque suicidaire mais également sur l’appréciation des capacités de mobilisation et de
changement de l’adolescent et de son entourage autour du cadre thérapeutique proposé. 

    Elle vise notamment à resituer l’épisode actuel dans l’histoire infantile et récente de l’adolescent permettant la mise en perspective de ces éléments.

         L’objectif visé réside dans une relance des processus de changement.
 
       La situation de consultation, par la reconnaissance, la formulation des affects
dépressifs par le clinicien, permet la prise de conscience de "subjectifs émotionnels", souvent difficilement formulables par l’adolescent lui-même.

L’identification et la formulation des affects dépressifs, constituent une médiation sur laquelle pourra s’établir la relation thérapeutique. 
La prise en compte de l’entourage, son implication active dans la prise en charge de l’adolescent constitue également un élément clef afin de garantir la continuité de l’engagement thérapeutique.
La psychothérapie constitue la pierre angulaire de la prise en charge des adolescents déprimés mais elle peut se décliner selon des modalités, des références théoriques et pratiques différentes, en fonction de la sémiologie de l’épisode dépressif, des éléments psychodynamiques sous-tendant la symptomatologie dépressive, de la dynamique familiale, de la formation du clinicien…



ÉTATS DES LIEUX, ET PROSPECTIVES:
     Une majorité des adolescents consultent un médecin dans l’année, le plus souvent leur
médecin généraliste, mais celui-ci ne détecte pas toujours la souffrance psychique de
l’adolescent qui est souvent masquée derrière un élément somatique.
Il existe depuis peu en France un outil de repérage des symptômes dépressifs et de mesure de l’intensité dépressive spécifique de l’adolescent, l’Adolescent Depression Rating Scale (ADRS),(3), qui pourrait aider le médecin à repérer plus précocement les adolescents souffrant d’une dépression.
     Lorsque le repérage et le diagnostic sont effectués, se pose au médecin la question de la
prise en charge thérapeutique de la dépression de l’adolescent. Celle-ci peut faire appel aux
psychothérapies, voire à un antidépresseur inhibiteur de la recapture de la sérotonine.
L’utilisation des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine a suscité des interrogations
quant à l’augmentation du risque suicidaire qu’ils pourraient induire chez l’adolescent.
Il n’est pas toujours aisé pour le médecin généraliste de savoir à partir de quels critères
orienter l’adolescent vers des soins spécialisés, et vers quelle structure.(4)


CONCLUSION:

  nous ne  soulignerons jamais assez, l’importance d’une prise en charge précoce des manifestations dépressives à l’adolescence.

Toute position attentiste fait courir le risque d’un auto renforcement des conduites, entravant les potentialités ultérieures de l’adolescent. 
Rappelons également l’intérêt de prises en charge conjointes entre pédopsychiatres et médecins généralistes, par exemple, afin de faciliter l’appréhension de ces manifestations symptomatiques dans leur globalité, la construction de l’alliance thérapeutique entre l’adolescent, sa famille et les soignants.




(1),(2), (4) HAS – Service des bonnes pratiques professionnelles – Juillet 2011

(3) (Adolescent Depression Rating Scale ADRS : Revah-Levy et Fallissard, copyright AP-HP, 2004)

Echec scolaire

θ sommaire

-C'EST ADOLESCENTS QUI REFUSENT D'APPRENDRE
-APPRENDRE A PENSER ET A DOUTER
-L ÉCHEC SCOLAIRE COMME SYMPTÔME: le sens du message:

     Échec et identification paternel
    L’échec comme réponse implicite des parents 
    L'échec comme l'impossibilité d’élaboration d'espace transitionnel
    Étude et  interprétation du cas"Patrice"

-POUR UNE APPROCHE PLURIEL
-POURQUOI UN BILAN PSYCHOLOGIQUE DANS L'APPROCHE DE L’ÉCHEC SCOLAIRE? 
     Les tests d'efficiences
     Conflits et troubles psychiques
    

CES ADOLESCENTS QUI REFUSENT D'APPRENDRE:                           

      Plus d'un adolescent sur dix est en échec scolaire parce qu'il ne peut simplement pas penser par lui même! 
      Certains adolescents, pourtant curieux et intelligents jusqu’à leur entrée au collège, manquent de respect à leurs professeurs et n’arrivent pas à intégrer les savoirs fondamentaux du collège et du lycée. Par exemple, ils ne peuvent pas dégager l'idée principale d'un conte qu'ils viennent de lire,ou ne sont pas capable d'enchainer deux arguments pour défendre une idée.Ils sont actuellement 15% à sortir du système scolaire sans maitriser ces savoirs fondamentaux, les structures pédagogiques du collège ou du lycée ne pouvant pas les prendre en charge.

Plusieurs études montrent que, quel que soit le milieu social, ces enfants ne supportent pas a frustration, et refusent systématiquement de se plier aux contraintes et donc aux enseignements prodigués par les enseignants.On constate alors souvent dans les familles une autorité diluée, voire perdue et donc quasi inexistante.
En effet, pour apprendre, il faut accepter plusieurs contraintes: reconnaitre ses insuffisances, savoir attendre, respecter les règles et pouvoir entrer dans un temps de solitude.

APPRENDRE A PENSER ET A DOUTER:(apport des théories cognitivistes)

      Pour continuer à apprendre et pour accéder aux notions abstraites, le jeune doit abandonner certaines modalités de pensée issues de l'enfance pour d'autres, plus complexes. Cela lui permet de construire son propre système de pensée, loin de la reproduction du schéma proposé par les parents. Mais cette pensée laisse place aux doutes de ne plus savoir...    Les certitudes de l'enfance disparaissent et, au profit de cette "intranquilité"souvent l'adolescent s'investit dans cette nouvelle aptitude et développe le raisonnement hypothético-déductif.
      La mise en œuvre de cette pensée réflexive peut être interrompue par de l angoisse, de la tristesse, ou, au contraire, une excitation débordante. L'acte de pensée résulte ici d'un tri entre divers stimulus, afin de choisir ceux qui sont pertinents et d'inhiber ceux qui ne le sont pas. 
En 1995, Olivier Houdé, à l'université René Descartes, précise que "penser" c'est "inhiber". Selon lui, tout acte de pensée mets en jeu plusieurs opérations successives: il faut d'abord inhiber les stimulus inadéquates, puis activer ceux qui sont adéquats et pertinents et enfin inhiber les stimulus adéquats mais non pertinents. Ainsi, pour penser, l'adolescent doit inhiber selon la tache à accomplir certaines compétences antérieures....ce qu'il fait en général correctement s'il a confiance en lui, s'il est soutenu, et s'il ne souffre par de certaines pathologies, (TDAH) ..Certains jeunes échoueraient dans les apprentissages car ils n'auraient pas "activé" l'une ou l'autre de ces opérations.
Ainsi, l'accès à la pensée abstraite ne dépends pas des compétences, mais de la "disponibilité" à s'en emparer. 
En 2008,  S Boimare a confirmé que ces adolescents refusant de penser n'ont pas de déficience intellectuelle, mais qu'ils ne parviennent pas à contrôler leurs processus cognitifs trop instables, ce qui les laisse à la merci de l 'angoisse et de l'excitation.
      Or l'irruption de la puberté est source d'angoisse et d’excitation, tout comme certaines situations sociales à forte valeur symbolique.
  

L’ÉCHEC SCOLAIRE COMME SYMPTÔME: Le sens du message (apport des théories analytiques)
Échec et identification paternelle

       Freud a maintenu tout au long de son œuvre le rôle fondateur du complexe d'Œdipe dans l'organisation psychique, même lorsqu'il s'est tourné vers l'approfondissement des phases les plus précoces du développement. Il a en outre introduit la notion d'identification primaire " identification directe, immédiate, antérieure à toute concentration sur un objet quelconque ", qui pour Lacan sera assimilée à une identification primaire au nom du père, identification symbolique. Freud fait intervenir les qualités du père avant même que celui-ci ne puisse être différencié dans son rôle, et qui en fait recevra son plein sens lors du complexe œdipien par la voie des identifications secondaires à un père identifié comme tel.
La castration symbolique opérée par le père réel, porteur de la loi ouvre à la vie symbolique.
Avec l'œdipe, le garçon est séparé, c'est-à-dire castré de sa mère par le père qui a été lui-même castré par son propre père. Pour Freud, l'inéluctable est non pas la castration mais l'angoisse devant celle-ci.
La castration symbolique, c'est ce qui se transmet de génération en génération par la loi dont le père est le représentant. 

       Le père réel peut ne pas être le géniteur. F. Dolto écrit : " Être père, c'est donner son nom à son enfant, c'est payer de son travail la subsistance de cet enfant, c'est l'éduquer, l'instruire, c'est l'appeler à plus de vie, plus de désir, c'est bien différent que d'être géniteur. Tant mieux si le père est géniteur, mais il n'y a que des pères adoptifs... Un père doit toujours adopter son enfant... il n'y a de père qu'adoptif ". Le père adopte son enfant en le nommant ; il l'inclut dans l'ordre des générations en le reconnaissant comme sujet d'un désir. Or, c'est avec la résolution de l'Œdipe que ce désir peut se manifester.

     Chez les psychanalystes contemporains, il est beaucoup moins question de triangle œdipien que de triangulation. Le père, s'il trouve son véritable sens au moment de l'Œdipe, n'en est pas moins engagé, mais indirectement, dans la dynamique de cette dyade mère-enfant, spécifique à la relation primaire, il en assure le cadre. Cette situation de base est commune à la grande majorité des cultures. L'interaction des deux parents a ses conséquences pour l'enfant. Dans le cas où le père, ou son substitut est absent, cette absence est présente car la mère et la façon dont elle fera place ou non à cette absence orientera son interaction avec son enfant.

       L'enfant n'est plus vu dans le cadre de son appareil psychique. Il s'agit de le situer dans son environnement. « L'environnement parental est d'abord celui d'un parent avec son fonctionnement mental, c'est-à-dire avec son inconscient et les désirs contradictoires qui l'animent ».

    Dès la naissance, la triangulation est en place. La suite ne sera plus qu'une série d'investissements et de contre investissements, une suite d'interactions entre chaque membre du triangle : l'enfant, l'objet maternel et le porteur de la loi.
Par sa seule présence, l'enfant met en jeu non tant la relation des parents à sa personne que le rapport de chaque parent à sa problématique personnelle. Ce qui se mobilise chez les parents dans leur couple dépend en fin de compte de leur propre élaboration mentale et œdipienne. Plus particulièrement, les aléas de celle-ci engagent les possibilités fantasmatiques de leur enfant. L'échec scolaire est un symptôme qui peut être mis en relation avec la pulsion sexuelle, d'où la nécessité de la différenciation sexuelle dans le développement en regard de ce symptôme.

L'échec comme réponse au désir implicite des parents

      Apprendre se situe dans la capacité à se séparer, à se quitter. Alors, pour des enfants ou adolescents " intelligents ", que peut signifier le refus de la connaissance .Que redoutent les adolescents qui n'apprennent pas ? S'agit-il de craintes de connaître des secrets auxquels on ne doit pas avoir accès et par là même d'accéder à un nouveau statut (grandir) qui est générateur d'angoisse ?

      L'accès à une certaine forme de connaissance, de la culture peut être transgression par rapport à un milieu familial qu'il pourrait être dangereux de dépasser ou de trahir : il est interdit de savoir, ou/et le fait de penser réveille des peurs anciennes qui engendrent une position de déséquilibre, de malaise. Alors il faut l'éviter et remettre en cause de cadre du savoir
" S'il est interdit de savoir ": Pour certains adolescents, savoir, c'est transgresser et dépasser des interdits. Si ces adolescents-là faisaient fonctionner leur intelligence et leur curiosité, ils pourraient avoir accès à des " choses " qu'ils ne doivent pas connaître. L'enjeu serait de découvrir des non-dits, des silences familiaux. On comprend dès lors qu'apprendre soit perçu comme un risque. Les adolescents inhibent leur curiosité, fractionne leur intelligence en secteurs et se conforment à ce qui est attendu d'eux. Ils demeurent ainsi en-deçà d'un certain savoir et répondent à la demande implicite du groupe familial.

         Apprendre et penser, c'est accepter de se situer face à des règles et des lois établies.
       Apprendre, c'est ne pas être dans l'illusion du déjà savoir, et accepter par là même la frustration. L'écriture, la lecture accompagnent l'adolescent dans cette acceptation (a contrario, le " tag " est une forme d'écriture qui refuse la frustration).

       Certains adolescents se situent dans le paradoxe où ils sont prêts à savoir, mais refusent la démarche qui consiste à penser, à apprendre. Ainsi, ces adolescents ne peuvent accepter un minimum de confrontation avec le doute : dès que les informations ne sont plus réglées par des liens de certitude, dès qu'un temps d'arrêt est nécessaire pour une élaboration même minime - ce qui doit être su n'étant pas donné d'emblée mais exigeant de leur part d'associer, de faire des liens, de chercher - alors, ils sont en proie au malaise. Ils semblent ne plus pouvoir rassembler leurs capacités intellectuelles pour prendre de la distance avec ce qui est perçu directement, pour délaisser momentanément certains de leurs repères afin d'entrer dans un code nouveau.
La perspective d'avoir à quitter leurs repères provoque chez ces adolescents des réactions défensives et peut se solder par une véritable déroute, comme s'ils se trouvaient confrontés à une brèche, à un vide. Il semble que se produise alors une réactivation des craintes, de peurs archaïques articulées à des thèmes de mort et de sexualité. L'agressivité et la libido ont du mal à être liées et négociées. En dernier ressort, ces craintes renvoient à une angoisse de castration.

      Échouer c'est ne plus répondre à de multiples demandes et en particulier aux attentes parentales. Bannis, ils craignent de voir se raréfier l'investissement parental à leur égard. Les échanges avec les parents deviennent difficiles car les attentes de ces derniers deviennent de redoutables enjeux. Ceci ne fait qu'aggraver l'échec car, ne se sentant plus " aimables ", ces adolescents endossent à long terme l'étiquette de la non-réussite.

L'échec comme impossibilité d'élaboration d'un espace transitionnel

     Être en échec, pour certains adolescents, c'est " avoir réussi ". Cela peut paraître paradoxal. Mais seul le paradoxe permet d'avancer car il renvoie à l'ambivalence, matrice originelle de la plasticité du développement humain.
L'échec a une fonction cathartique, l'adolescent peut alors se positionner de façon économique face à un conflit qu'il ne peut surmonter et qui, faute de sens, n'est d'ailleurs pas surmontable. Par sa position d'" être en échec ", l'adolescent pose un temps d'arrêt, de cristallisation, afin de faire face au mieux à la situation conflictuelle qui s'apparente à un double lien.
       Si cet espace est investi par des tiers, réussir devient alors risqué, car cela revient à se faire " incorporer ". Inversement, échouer c'est réussir, réussir à se protéger de cette dévoration, mais à quel prix ?
Apprendre et réussir n'est possible que s'il y a " défusion ". Ce sont précisément les parents qui ne peuvent accepter d'être dépassés qui ont des enfants pour qui réussir, c'est commettre
 un "parricide".
    

Étude du cas Patrice : l'identification invalidante.
 
      La première fois que nous voyons cet enfant, il nous est adressé par l'enseignante de CM2 qui ne sait " qu'en faire " à la rentrée suivante. Patrice a déjà deux ans de retard, il est complètement dyslexique et dysorthographique. Par contre, il est capable de suivre avec une grande facilité les matières autres que la lecture et l'orthographe y compris les résolutions d'opérations mathématiques complexes, si les données lui sont apportées oralement.

      Le dossier et les entretiens avec les différents enseignants et rééducateurs nous apprennent les faits suivants : la famille est très défavorisée sur le plan socio-culturel (père éthylique, parents analphabètes vivant dans des conditions matérielles assez misérables, deux pièces pour une famille de trois enfants) ; le père travaille à temps partiel " quand il trouve un travail au noir " (dans des ateliers clandestins, nombreux à l'époque dans le 3e arrondissement de Paris) ; la mère est au foyer, un éthylisme est suspecté chez elle également. Un frère aîné est en SES après avoir suivi la filière " perfectionnement ", il est considéré à l'époque comme à la limite de la débilité moyenne. Une sœur en CE est en échec scolaire complet après deux redoublements, et doit elle-même fréquenter une filière spécialisée à la rentrée suivante.

      Patrice, lui, a été signalé pour la première fois en grande section d'école maternelle car son institutrice trouvait son comportement " bizarre " : Patrice était un enfant très gentil, très éveillé, mais qui semblait se bloquer dès qu'on lui demandait une tâche de type scolaire. Elle note par ailleurs un fait curieux, selon elle : " Le même effort de raisonnement, mais demandé de façon ludique, non scolaire, s'avère accompli par l'enfant avec une facilité déconcertante. " L'examen psychologique pratiqué au sein des services scolaires révèle un fonctionnement cognitif des plus satisfaisants, et. après contact avec la famille, une prise en charge d'aide psychologique s'effectue quelque temps, mais la famille, négligente et/ou défensive, l'interrompt rapidement et devient par la suite sourde à tous les appels (convocations des psychologues, des enseignants, etc.)
En échec au CP par rapport à l'apprentissage de la lecture, Patrice est aidé en relation duelle une fois par semaine par la rééducatrice de l'école. Au bout de deux années scolaires, cette dernière est déconcertée. Elle note que ce n'est pas la peine de poursuivre l'aide : Patrice apprend et retient facilement, mais d'une semaine sur l'autre semble dépenser une énergie considérable à " oublier " tout ce qui lui a été enseigné. Il passe ainsi de classe en classe, avec ce handicap qui, consciemment, l'affecte beaucoup, puis redouble le CM1 et le CM2.

      C'est à cette époque que nous faisons sa connaissance. Patrice se présente comme un adolescent (il a 13 ans) gentil, serviable, un peu efféminé. Il dit être très gêné par cette dyslexie persistante d'autant qu'il aimerait devenir dessinateur industriel. Or, la seule orientation qui semble possible à l'époque vu son âge et ses difficultés, est au mieux la CCPN (classe pré-professionnelle de niveau) ou la SES (section d'éducation spécialisée). 
A notre étonnement, il obtient 129 de QI global au WISC, avec des résultats légèrement supérieurs en performance et avec la note la plus élevée à l'épreuve des cubes (ce qui témoigne d'une pensée analytico-synthétique très élaborée). Les résultats à d'autres épreuves (PM47 entre autres) complètent l'examen et confirment cette qualité du développement cognitif.
      Après un long entretien, il nous apparaît que Patrice à la fois s'identifie de manière massive à son père, mais parle de lui avec une grande tendresse et beaucoup de respect, excusant son éthylisme et essayant sans cesse de le réhabiliter à nos yeux : " il est intelligent, mon père, faut pas croire... il sait faire des tas de choses et me raconte pleins de trucs... il dit qu'il s'en est toujours bien sorti sans savoir lire, alors, tant pis, je ferai pareil, ce doit être héréditaire. " Effectivement, en classe, Patrice " s'en sort bien " malgré tout : il va régulièrement au Centre G. Pompidou emprunter des cassettes, apporte des documents sonores à l'école, est un des plus actifs dans les activités dites d'éveil, etc. 
Devant la maturité dont il fait preuve, nous tentons de lui expliquer que pour lui, et à son insu, apprendre à lire. c'est en quelque sorte trahir sa famille, son père surtout, puisque c'est le dépasser. Nous tentons en outre de le persuader qu'il se trompe, que les exigences de la société ont évolué et que pour réussir seulement comme son père, il faut maintenant savoir lire.

      Nous décidons ensemble d'une stratégie pour lui permettre d'accéder à la classe de sixième " tout venant " :

1. Essayer de faire accepter à l'école et aux commissions administratives qu'il triple son CM2 avec un instituteur homme (le seul de l'école), Patrice n'ayant eu jusque là affaire qu'à des femmes.

2. Adopter une stratégie de relation d'aide : Patrice prendra lui-même rendez-vous au CMPP voisin (nous les avons auparavant prévenus de l'importance de la qualité de leur réponse) pour qu'on l'aide à supporter l'angoisse accompagnant l'acceptation éventuelle de cette démarche vers l'adaptation. Il accomplira seul cette démarche.

       L'instituteur de l'école, bien que sceptique, accepte de " jouer le jeu " et nous obtenons le triplement de Patrice à titre exceptionnel. Ce dernier tient ses engagements et se rend, dès la semaine suivante, au CMPP où une psychothérapie se met en place. 
      L'année scolaire suivante, l'enseignant ne remarque aucun changement notoire chez Patrice jusqu'en novembre : il participe, est très actif et efficace (exposés oraux etc.) mais vite bloqué au niveau de la langue écrite. Puis, courant novembre, il amène un livre " dont il fait cadeau à la bibliothèque de la classe ". Devant la réaction de l'instituteur affirmant qu'il accepte le cadeau mais qu'il aimerait que tout le monde, y compris lui, Patrice, puisse en profiter, ce dernier ne répond rien, mais deux jours après, demande à son instituteur de bénéficier de leçons particulières d'orthographe et de lecture pendant le temps libre de l'interclasse. (Ils déjeunent tous deux sur place, et cette proposition lui avait été faite gracieusement début septembre. Jusque là, il ne l'avait jamais relevée.)
Patrice apprend à lire couramment et orthographie à peu près la langue française pendant les mois qui suivent. Il est admis en 6ème à la rentrée suivante. Son professeur principal, mis au courant de la situation, accepte d'être très indulgent au départ et de servir de médiateur auprès de ses collègues. Après des débuts difficiles, il passe finalement en 5ème.
      Nous avons su que Patrice avait obtenu son BEPC quatre ans plus tard. Mais la conseillère d'orientation-psychologue, qui l'a vu à plusieurs reprises, a été saisie de la progression de l'aspect efféminé de cet adolescent, puis de ce jeune homme, aspect que j'avais déjà remarqué lorsqu'il était au CM2.(1)

       Le cas de cet enfant nous paraît typique des interdictions qui peuvent peser sur certains enfants de la part de leur milieu familial

      Ici, le blocage tellement massif a permis de décrypter malgré tout assez facilement les difficultés de fonctionnement avec lesquelles cet enfant était aux prises. Il aura tout de même fallu attendre sept ans, de la fin de section maternelle au deuxième CM2, pour que le message soit clair. Mais aurait-on pu intervenir avant, en grande section en particulier, au moment où, pour l'enfant de cet âge, les valeurs de la famille sont des absolus ? Nous ne le croyons pas. Patrice s'est " adapté " grâce à un équipement cognitif particulièrement brillant, lui ayant permis de comprendre, puis de mieux s'organiser dans son fonctionnement. 
      On ne peut s'empêcher de penser à tous ceux pour qui le jeu des identifications et des choix d'objets se déroule de manière plus discrète, mais peut-être tout aussi " efficace ", agissant sur la motivation, sur le manque d'investissement de l'école, traduction du transfert impossible sur l'enseignant qui symbolise cette institution.
      On peut d'autre part s'interroger sur le " prix " que cet enfant a certainement payé pour s'adapter : l'émergence, puis la confirmation de plus en plus importante de cet aspect efféminé n'est-elle pas en relation avec ce prix : cliver entre le concept " d'homme " et " d'érudit ", abandonner une partie de sa masculinité, négociant ainsi ces concepts et sauvegardant de ce fait l'imago paternelle associée à la virilité, mais aussi à illettrisme. En renonçant à l'identification paternelle, il a aussi renoncé à devenir homme. Ce n'est qu'à ce prix qu'il a pu accepter de devenir " cultivé ", son père devenant alors un choix d'objet libidinal.


POUR  UNE APPROCHE PLURIELLE:

     Si ces deux théories semblent s'exclure, c'est tout simplement qu'elles s'appliquent de façon préférentielle à un type de public plutôt qu'un à autre.
     En dépit de ceci, de nombreux médecins et psychologues postulent que la pensée se développe grâce à l'environnement et débute dans les premiers jours de la vie.La pensée n'est pas simplement une affaire de patrimoine génétique, même si celui-ci joue un rôle indéniable.Elle est constamment menacée dans sa construction, dans son développement, et dans son déploiement, non seulement par le psychisme et ses conflits, mais aussi par un environnement qui n'assure pas son rôle de soutien et d'encadrement.
     Dans ce cas, seule l'intervention d'une tierce personne, le plus souvent un soignant peut aider le jeune.
     L'objectif est de permettre à l’adolescent de développer sa créativité et sa pensée réflexible. On le "nourrit" culturellement, on le fait parler , et on donne un sens aux savoirs et suppositions proposées.


POURQUOI UN BILAN PSYCHOLOGIQUE DANS L'APPROCHE DE L'ÉCHEC SCOLAIRE?:

Comprendre le mal-être de l'enfant
 
Les tests d'intelligence évaluent une efficience intellectuelle.
Une grande prudence est recommandée dans la divulgation des résultats.
Il peut y avoir échec scolaire alors que l'intelligence de l'enfant est normale.
Le psychologue a aussi recours à des tests de personnalité.

Un bilan orthophonique est très souvent souhaitable.


       Les tests d’efficience:
      Les échelles de type Wechsler permettent de calculer directement un QI qui situe le sujet par rapport à son groupe d'âge. La population se répartit statistiquement selon une courbe de Gauss où la moyenne est de 100 et l'écart-type de 15. A plus deux écarts-types (QI supérieur à 130) on considère que le sujet a une intelligence supérieure, alors qu'à moins deux écarts-types (QI inférieur à 70) on parle de « débilité », les variations de la normale se situant entre ces deux notes.
       Les échelles de type Weschler sont des échelles composites qui font appel à des items verbaux (échelle verbale) mais aussi à des items non verbaux (échelle performance), ces derniers ne faisant en principe pas appel au langage. Chaque « sous-test » de ces deux échelles mesure une facette différente de l'intelligence, sollicitant tour à tour les capacités perceptives, de raisonnement abstrait, les acquisitions scolaires et culturelles, les repérages spatio-temporels, l'adaptation à la réalité sociale, la vitesse de traitement des informations, la mémoire immédiate.
Les résultats à ces différentes mesures sont résumés en notes composites qui donnent des estimations des aptitudes intellectuelles de l'enfant. Quel que soit les résultats du QI  obtenu, il ne faut ni surestimer ni sous-estimer sa valeur. Cette mesure peut varier dans le temps, mais aussi en fonction des conditions du déroulement et de l'état psychique de l'enfant à ce moment-là. C'est pourquoi les QI doivent toujours être accompagnés d'une interprétation détaillée des notes aux différents sous-tests, tenant compte de leur homogénéité ou de leur hétérogénéité relative, en fonction du contexte clinique. Il  est aussi nécessaire aussi d’être attentif à la présence et au rôle possibles de troubles instrumentaux spécifiques (déficits sensoriels, troubles psychomoteurs ou du langage) qui peuvent peser lourdement sur la réussite scolaire.


      En effet, le test de niveau peut révéler une déficience intellectuelle dite aussi « retard mental » qui explique réellement l'échec scolaire de l'enfant. Cette reconnaissance doit lui être bénéfique, permettre de le diriger vers des structures et des méthodes spécialisées d'apprentissage scolaire où il pourra s'épanouir en fonction de ses capacités.
On peut souvent être confronté à un constat paradoxal : un QI élevé ne correspond pas forcément à une bonne réussite scolaire alors qu'à l'inverse un enfant dont le QI est en dessous de la moyenne peut avoir une scolarité satisfaisante jusqu'à un certain degré de difficulté. Il est possible parfois que l'enfant soit réellement surdoué et cependant en échec scolaire du fait d'une inadéquation effective entre sa précocité et la scolarité de son âge. Dans ce cas bien particulier d'échec scolaire, c'est toujours la globalité psychique de l'enfant qu'il faudra prendre en compte. Il faut dès lors envisager des hypothèses autres que celles de l'insuffisance intellectuelle pour expliquer l'échec scolaire, qui prend alors valeur de « symptôme ». Ce symptôme a en général une grande résonance tant pour l'enfant que pour son milieu. Du côté de l'enfant, l'échec peut être vécu comme une blessure narcissique qui le déprime, l'isole ou au contraire le pousse à des défenses comportementales qui lui donnent un statut : il pourra par exemple être le « chef de bande à la récré » à défaut d'être le « bon élève ».
L'échec scolaire peut atteindre aussi fortement le narcissisme des parents déçus dans leurs attentes. On voit ici que les enjeux de la réussite scolaire dépassent largement le cadre strict des apprentissages et engagent en profondeur l'économie des relations au sein de la famille et du champ social. Il arrive que des parents trop vivement touchés par l'échec scolaire de leur enfant veuillent y voir un signe de précocité, d'inadaptation de l'école aux capacités supposées supérieures de l'enfant. Le test de niveau sera alors une sorte d'épreuve de la réalité. Cette épreuve de réalité que constitue la mesure de l'intelligence peut modifier le regard des parents sur leur enfant et de ce fait le vécu de celui-ci. Les tests de niveau montrent aussi qu'il peut y avoir échec scolaire alors que l'intelligence de l'enfant est normale. C'est ici qu'il apparaît le mieux comme un vrai symptôme, celui d'un malaise, d'un mal-être de l'enfant qu'il faudra chercher à comprendre. Le psychologue aura alors recours à d'autres tests, dits « de personnalité ».


      Conflits et troubles psychiques:
Les épreuves projectives de personnalité permettent de repérer nombre des conflits psychiques et donc ceux qui peuvent sous-tendre l'échec scolaire. Les épreuves utilisées sont le Rorschach connu comme test de taches d'encre (test de structuration de la personnalité), applicable à tous les âges et chez l'enfant dès que celui-ci peut s'exprimer verbalement et une épreuve dite « thématique » qui donne au sujet la possibilité de raconter une histoire à propos d'une image.. L'analyse des épreuves projectives liée au résultat à l'épreuve de niveau, va permettre de comprendre pourquoi et comment l'enfant ne peut exploiter au mieux ses ressources intellectuelles.
Chez les enfants, les processus de pensée sont étroitement tributaires du développement affectif lié à l'environnement. Dans cette configuration, le symptôme de l'échec scolaire peut renvoyer à des troubles de la personnalité très divers.
Celui que l'on rencontre le plus souvent est l'inhibition intellectuelle d'ordre névrotique. La pensée est investie de manière conflictuelle ou désinvestie à la mesure de l'angoisse qu'elle suscite en fonction des conflits infantiles. Par exemple, l'angoisse peut aussi être liée à des conflits identificatoires,(comme nous avons pu le souligner dans le cas précédemment rapporté)


     Le bilan psychologique permet aussi de distinguer l'échec scolaire de ce qui peut être une chute temporaire de l'efficience scolaire. 
    Tous les enfants peuvent connaître à un moment de leur scolarité de tels épisodes, qui peuvent aussi survenir comme troubles réactionnels à des événements familiaux. En cas d'échec scolaire, le bilan psychologique permet de situer l'enfant ou l'adolescent dans un fonctionnement global ou s'articulent dimensions intellectuelle, affective et sociale, d'aborder le rôle possible de difficultés spécifiques, et dans l'entretien clinique défavorable où l'enfant n'a pas accès aux outils nécessaires à son développement intellectuel. Tous ces éléments vont servir à orienter l'enfant vers la prise en charge la plus adaptée pour l'aider à ne plus vivre « l'échec scolaire » comme un barrage infranchissable, mais comme un obstacle à dépasser dans son parcours.





(1) extrait de l'article ,Cinique de l'échec scolaire.
Auteurs: Lucile Héraud-Bonnare, Jean-Paul Mouras