mardi 14 avril 2015

Construction identitaire et Estime de soi

Prendre conscience de soi, c'est devenir une personne qui sait « qui » elle est, qui peut exprimer ce qu'elle ressent et ce qu'elle désire.

CONSTRUCTION IDENTITAIRE DE L’ENFANT.
A)Définitions des concepts :

B) Reconnaissance de soi et image de soi :
-Reconnaissance de soi
-Image de soi

C) L’estime de soi:
-Qu’est-ce que la confiance en soi ?
-Qu’est-ce que l’estime de soi ?
-Comment se constitue l’estime de soi ?
-Les composantes de l’estime de soi
Le sentiment de sécurité, de sûreté et de confiance en soi
Le sentiment d’identité, la vision de soi et l’amour de soi.
Le sentiment d’appartenance à un groupe.
Le sentiment de détermination et l’affirmation de soi
Le sentiment de compétences
-Les défauts d’estime de soi
La dévalorisation de l’enfant
L’échec
La fausse bonne estime de soi
La dépression et l’estime de soi

QUELQUES BESOINS DE L’ENFANTS, A LA BASE DE L’ESTIME DE SOI 
  1. Le besoin de sécurité :
-La sécurité physique
-La sécurité affective.
B) Le besoin d’appartenance à un groupe.
C) Le besoin de reconnaissance.
D) Le besoin dautonomie.
E) Le besoin de jeu.
CONSTRUCTION IDENTITAIRE DE L’ENFANT.
Ce sont les enfants qui dans ma pratique m’ont amenée à m’interroger et à approfondir la problématique de la construction identitaire, et plus particulièrement l’estime de soi . En effet, j’ai été confrontée à l’importance de l’image que les enfants ont d’eux-mêmes, mais aussi de celle que les autres, et notamment l’adulte, ont d’eux. J’ai pu constater que la grande majorité des enfants avaient une basse estime d’eux-mêmes.
  1. Définition des concepts
L ‘individu construit son identité par étapes, au cours  d’un long processus qui s’exprime de la naissance à l’adolescence. L’identité personnelle se construit dans le cadre d’expériences. Le corps constitue pour le bébé la base de son identification. Il se découvre lui-même au travers de ses perceptions, de ses actions, mais aussi dans son rapport aux autres et dans le regard des autres.
En psychologie du développement, Wallon, psychologue, situe entre 3 et 6 ans le stade du personnalisme. Ce stade se situe à la charnière de deux phases importantes de la construction de la personnalité : entre la construction et l’achèvement de la personne. Il marque l’événement de la conscience de soi à travers la conscience personnelle et la conscience sociale. Durant ce stade, trois périodes vont se succéder : la période d’opposition, la période de séduction et la période d’imitation.
  • La période d’opposition : Située entre 3 et 4 ans environ est marquée par les fréquentes oppositions de l’enfant aux demandes de l’adulte qui contribue à l’affirmation de sa personnalité.
  • La période de séduction : Entre 4 et 5 ans environ, l’enfant se veut séduisant aux yeux de l’autre ; c’est une période de narcissisme. La personnalité se construit non plus dans l’opposition mais dans la séduction.
  • La période d’imitation : Entre 5 et 6 ans environ, l’imitation concourt également à la différentiation de l’enfant de son milieu familial en dissociant le pareil et le pas pareil. C’est une attitude ambivalente d’admiration et de rivalité qui clôt le stade du personnalisme.
De 2 à 6 ans, l’enfant accède à l’expression symbolique de son rapport au monde extérieur. C’est une période d’affirmation intense du Moi, à travers le refus, l’exigence, l’expression de soi, par tous les moyens, les jeux de construction, les jeux symboliques,… Comme l’enfant de cet âge prend des risques, il est vulnérable aux moqueries, aux critiques et aux dévalorisations. C’est à cet âge que s’installent les complexes d’infériorité et de supériorité compensatrice. Si l’entourage est « suffisamment bon » il pose des limites à l’enfant, sans trop le brimer. Si au contraire il est moins bon, l’enfant peut se construire une identité négative par la honte et le doute de soi.
  1. Reconnaissance de soi et image de soi.
-Reconnaissance de soi
L’enfant doit tout d’abord apprendre à se connaître avant de se reconnaître (estime de soi). Ce processus se déroule lentement par étapes tout au long du développement de l’enfant, depuis la dépendance, jusqu’à l’autonomie . La connaissance de soi se fait par le biais de relations avec les autres et d’expérimentations diverses, des apprentissages, mais aussi par le biais des réactions des personnes qui l’entourent.
Il apprend ainsi à connaître son milieu et sa propre personne. Ses expériences lui font prendre conscience de ses capacités physiques, intellectuelles et relationnelles. Vers l’âge de trois ans, l’enfant se reconnaît par le pronom « je » qu’il utilise pour parler de lui. Il se reconnaît donc comme un être unique et se forge petit à petit un sentiment d’identité. C’est à l’âge de 5 ans que l’enfant prend conscience qu’il est un garçon ou une fille, il se construit donc une partie de son identité grâce à cette reconnaissance
C’est par le jeu que l’enfant apprend à se connaître. Lorsqu’il est petit, c’est en jouant seul qu’il apprend à se connaître, mais plus grand, c’est au contact des autres que la connaissance de soi se fait pendant les jeux.
-Image de soi
La conscience de soi se structure petit à petit selon l’âge de l’enfant. Jacques LACAN, démontre le rôle important du corps dans la construction de soi et de l’image de soi chez un enfant, notamment par ce qu’il appelle le stade du miroir. C’est à ce moment que l’enfant se découvre comme un individu séparé des autres.
Au fil de son développement, l’enfant va élaborer son schéma corporel par le biais d’expériences qui l’aideront à situer son corps dans l’espace
L’image de soi est une connaissance de la part de l’enfant de ses caractéristiques personnelles.
« Un matin, Bastien (6 ans) s’observe dans le miroir de très près. La maman présente, lui demande s’il « regarde ses beaux yeux bleus ». Bastien interloqué se retourne vers elle et lui dit « mais je n’ai pas les yeux bleus. » Elle lui demande alors de quelle couleur sont ses yeux et Bastien ne sait pas répondre et en convient alors de dire qu’ils sont bleus. Il a ensuite passé plusieurs jours à dire à ses copains que ses yeux étaient bleus »,
C’est une caractéristique de lui-même que Bastien n’avait jusqu’à ce moment là pas pris en compte.
La connaissance de soi se transforme peu à peu en sentiment d’identité, à partir duquel l’enfant va se reconnaître et développer son estime de soi. Prendre conscience de soi, c’est devenir une personne qui sait « qui » elle est, peut exprimer ce qu’elle ressent et ce qu’elle désire. C’est le travail de décentration qu’accomplit le jeune enfant durant les premières années de sa vie. La connaissance de soi doit être favorisée chez l’enfant comme préalable à l’estime de soi.
C) L’ESTIME DE SOI
Le concept d’estime de soi a des rapports proches, voire très proches, avec d’autres notions telles que la confiance en soi, l’amour de soi, le concept de soi et l’image de soi.
Il me paraît important de bien dissocier le concept de soi et l’estime de soi.
En psychologie, le concept de soi englobe la connaissance de soi (image de soi), l’estime de soi et le moi idéal (ce que l’enfant voudrait être). Le concept de soi a trait à l’aspect descriptif de la personne, tandis que l’estime de soi est la dimension évaluative de la personne.
Chez les jeunes enfants, on parle plus volontiers de confiance en soi que d’estime de soi car les enfants sont plus concrets et n’ont pas encore les capacités à réfléchir sur eux-mêmes. Cependant, la confiance en soi est une des composantes de l’estime de soi et je pense que l’on peut tout de même parler d’estime de soi pour des enfants de 3 à 6 ans.
a) Qu’est-ce que la confiance en soi ?
Le Dictionnaire historique de la langue française retrace l’évolution de ce terme qui, au XIIIe siècle, dérive du latin confidentia, s’orthographie confience et conserve une analogie avec l’espérance. Au XVIIe siècle, il revêt son orthographe actuelle et prend la nuance d’assurance, notamment à travers l’expression « confiance en soi ».
De nos jours, la définition de la confiance en soi ne fait pas l’unanimité. Certains insistent sur son caractère inné et l’assimilent à un trait de la personnalité, un don de la nature, d’autres insistent sur son caractère acquis et en font une bonne réponse apprise à l’occasion d’expériences abouties, alors que d’autres en font une des conséquences de la force du moi.
Pour ma part, je tendrais à dire que la confiance en soi est quelque chose de variable qui s’acquiert par le biais d’expériences et de réussites.
Etre confiant, c’est se penser capable d’aboutir à ce que l’on veut, au but que l’on s’est fixé. Pour qu’un enfant ait confiance en lui, il faut qu’il soit « bien dans sa peau », qu’il respecte son corps et qu’il en prenne soin. Il pourra ainsi connaître ses limites et se fixer des défis.
Dans un second temps, l’enfant doit pouvoir compter sur lui même d’après les points faibles et les points forts qu’il aura su détecter chez lui.
La confiance en soi se développe dès les premiers jours et se construit progressivement pendant l’enfance et l’adolescence. Sa mise en place s’opère à travers des acquisitions successives et des influences diverses, mais tout commence invariablement en famille. « Avant tout, celle-ci apparaît comme la structure par excellence où l’enfant, en dépit de sa vulnérabilité et de son inexpérience, peut s’initier au monde et à l’existence. Ce caractère unique de la famille repose sur l’étroite interdépendance affective et matérielle qui existe entre ses membres. Les parents sont profondément engagés par rapport à leur enfant, lui-même en état de dépendance absolue. Si la famille est protectrice, elle doit être une base qui encourage l’enfant à apprendre à vivre et à agir de manière adaptée et autonome .C’est à travers son environnement que l’enfant entre en contact avec le monde et sa culture. C’est aussi dans sa famille qu’il va faire l’expérience de sa différence et de sa liberté, en somme qu’il va devenir lui-même pour finir par s’émanciper.
La confiance en soi relève d’un narcissisme positif, qu’on pourrait résumer ainsi : « Aime-toi et apprécie-toi suffisamment tel que tu es », qui constitue une base solide pour le développement personnel et tout simplement pour exister. Ce qui implique de croire en soi et en ses ressources, de connaître ses limites, de s’évaluer à sa juste valeur, d’accepter ses points faibles et de se perfectionner.
La confiance en soi génère aussi la confiance dans les autres. D’après bon nombre d’auteur, la confiance en soi viendrait principalement du mode d’éducation donné aux enfants. Selon eux, elle se « transmet par l’exemple comme par le discours. » C’est à dire que l’enfant ne réussira pas à accepter son échec si l’adulte lui-même ne l’accepte pas. Ces auteurs situent la confiance en soi comme l’une des trois composantes de l’estime de soi (l’amour de soi, la vision de soi et la confiance en soi). Il en est de même pour une grande majorité des auteurs qui ont traité du sujet de l’estime de soi et qui spécifient bien que « confiance en soi » et « estime de soi » ne sont pas similaires, même s’il elles sont souvent utilisées au même titre.Le sentiment de confiance en soi est préalable à l’estime de soi. En effet, il faut d’abord le ressentir et le vivre afin d’être disponible pour réaliser des apprentissages qui vont nourrir l’estime de soi.
b) Qu’est-ce que l’estime de soi ?
Le concept d’estime de soi a été défini pour la première fois en 1890 par le psychologue américain William JONES qui expliquait que « l’estime de soi se situe dans la personne, et qu’elle se définit par la cohésion entre ses aspirations et ses succès. »
S.FREUD, s’est aussi penché sur l’estime de soi et son rapport avec le narcissisme. D’autres auteurs ont cherché à donner une définition de ce qu’est l’estime de soi, mais tous ne sont pas d’accord et très clairs sur ce qu’est réellement l’estime de soi.
Le terme « estimer » du latin « oestimare » signifie « déterminer une valeur » et « avoir une opinion favorable sur » ; ce qui signifie, que l’expression « estime de soi » implique de « juger de sa valeur personnelle. »
Il s’agit de poser un jugement sur soi-même, sa valeur et ses capacités, en s’appuyant sur une conscience et une connaissance de soi, relative et plus ou moins limitée selon l’âge de l’enfant.
L’estime de soi n’est pas statique, mais constitue un système dynamique à la fois stable, permettant à la personne de se reconnaître d’un moment à l’autre, et permettant aussi aux autres personnes de la reconnaître, tout en étant relativement flexible et changeant, assurant ainsi à la personne la possibilité de s’adapter et d’évoluer en fonction des réalités et des besoins nouveaux.
c) Comment se constitue l’estime de soi ?
L’estime de soi est une étape consécutive à la construction de la personnalité. En effet, on parle d’estime de soi lorsque la personne s’est construite une identité. Selon de nombreux auteurs, l’enfant doit être capable de mettre en place une pensée logique avant de se construire une identité. Cependant, bon nombre de spécialistes s’accordent pour penser que dès le plus jeune âge, l’enfant va avoir une idée de lui, de son identité, souvent intériorisée du regard de ses parents.
En effet, l’estime de soi n’est pas un sentiment nouveau qui viendrait subitement à l’âge d’approximativement huit ans nous révéler ce que nous pensons de nous même. Dans la construction de soi de l’enfant, l’évolution positive ou négative de l’image de soi est toujours présente en fonction des expériences que l’enfant a faites. C’est en cela que se constitue petit à petit la base de l’estime de soi de l’enfant.
Dès le plus jeune âge, l’enfant fait des expériences qui s’accumulent dans sa mémoire et lui permettent de fonder l’estime qu’il a de lui-même. Selon que ses expériences aient été positives ou négatives, l’enfant aura une estime de lui-même positive ou négative en relation avec les expériences qu’il a fait.
Le lien avec son entourage aussi vont l’amener à s’évaluer en rapport avec ce que les autres attendent de lui. En fonction aussi de ce que lui renvoient ses proches, les personnes qui sont importantes à ses yeux.
D’après E. RIGON, « l’estime de soi se construit comme un édifice à trois dimensions : moi, les autres et la manière dont je me comporte avec eux quand il s’agit de me réaliser personnellement. »
d) Les composantes de l’estime de soi :
L’estime de soi est un concept relativement difficile à exprimer tellement il y a d’ouvrages à ce sujet qui semblent parfois se contredire.
Je pense néanmoins, qu’il est possible de diviser l’estime de soi en plusieurs sentiments que je vais tenter d’expliquer à présent.
Le sentiment de sécurité, de sûreté et de confiance en soi
Ce sentiment, se définirait par le bien-être et l’assurance que l’enfant ressent dans certaines situations. Il impliquerait la compréhension des limites, la connaissance des attentes d’autrui et le sentiment d’être confortable et en sécurité. A l’inverse, un sentiment d’insécurité se caractériserait par l’incertitude, le doute, et l’insécurité.
Le sentiment de sécurité et de confiance en soi est à la base de l’estime de soi. Ce sentiment de base n’apparaît pas soudainement dans le développement de l’enfant. Au contraire, il se constitue au fil des relations d’attachement et des expériences que fait l’enfant.
Pour que l’enfant puisse se sentir en sécurité, il faut subvenir à ses besoins essentiels. L’enfant éprouve un sentiment de sécurité, de sûreté et de confiance lorsqu’il a une vie stable dans le temps, l’espace et ses relations avec les autres mais aussi avec lui-même.
Le sentiment d’identité, la vision de soi et l’amour de soi.
Le sentiment d’identité est la clé de l’estime de soi. En effet, il consiste en une connaissance de soi, de son image sociale, en quelque sorte, L’enfant va se sentir unique et important aux yeux des personnes qui comptent pour lui. Cela constitue l’une des plus importantes étapes du développement de l’estime de soi. Car il est bien difficile pour un enfant de savoir qui il est si personne ne le voit vraiment.
Les carences d’estime de soi qui prennent source au niveau de l’amour de soi, principalement, sont très difficiles à rattraper. En effet, certains psychiatres les retrouvent plus tard sous le nom de « troubles de la personnalité ».
Le sentiment d’appartenance à un groupe.
L’enfant qu’il ait trois ou sept ans, ressent de la satisfaction lorsqu’il se sent appartenir à un groupe. Là encore, l’enfant a besoin de savoir qu’il est important et qu’il compte aux yeux des autres. Ce que les autres disent à l’enfant, ce qu’ils pensent de lui, la façon dont ils le voient, etc.… aide l’enfant à se définir, à modifier son image de lui-même et sa valeur personnelle. De plus, rappelons que le concept du moi se construit en parallèle du concept d’autrui.
Le sentiment de détermination et l’affirmation de soi
En s’affirmant, l’enfant exprime ses besoins mais en en faisant le demande il réalise aussi que les autres ne sont pas obligés de les comblés ou encore que cela peut prendre du temps. Cette affirmation de sa personne, de sa valeur personnelle permet à l’enfant d’enrichir l’estime qu’il a de lui-même. C’est en étant déterminer pour faire reconnaître sa valeur personnelle aux yeux des autres que l’enfant augmente aussi « son capital » d’estime de soi.
Le sentiment de compétences
Ce sentiment implique d’être capable et de se sentir capable de faire quelque chose. C’est au cours de ses apprentissages et surtout de ses réussites que l’enfant peut progressivement développer ce sentiment de compétence personnelle.
Pour un enfant avant l’âge de sept ans, la réussite se base surtout sur le résultat car l’enfant n’appréhende pas encore bien le produit final de son action avant de l’avoir mise en place. C’est donc à la fin de ce qu’il a entrepris que l’enfant se sent capable ou non, et qu’un sentiment de compétence peut se forger.
e) Les défauts d’estime de soi
Un enfant qui a grandi avec le sentiment permanent de n’être pas reconnu, de ne pas être apprécié, estimé et aimé par ses parents ainsi que par les adultes qui l’entourent, aura sans doute des difficultés à se construire une bonne image de soi et donc une bonne estime de soi.
De plus, il est possible que les enfants confiés au Centre Départemental de l’Enfance, ne se sentent pas aimés personnellement. Ce qui va alors leur manquer. C’est le sentiment narcissique, l’amour de soi. Et on peut difficilement s’aimer soi-même, si on ne se sent pas aimé, valorisé par ses parents. On a tous besoin de se sentir l’enfant de quelqu’un pour s’épanouir et développer nos compétences.
La dévalorisation de l’enfant
L’enfant, s’il se dévalorise, passe par le langage. Il formule à son égard des critiques. Il verbalise son sentiment d’insuffisance. Cependant, il peut arriver qu’après un échec à l’école ou autre, il ne se sente pas capable de faire quelque chose et le verbalise. Cela n’est pas inquiétant en soi. Pour que la dévalorisation d’un enfant à son égard devienne inquiétante, il faut que cela soit répété plusieurs fois dans la semaine voire même dans la journée. La dévalorisation, quand elle est signe d’un manque d’estime de soi, est formulée très fréquemment par l’enfant qui exprime un découragement, presque une résignation. L’enfant a le sentiment de ne pas avoir la valeur personnelle de faire telle ou telle chose.
Chaque soir au moment de faire ses devoirs, Quentin (6 ans) est déjà catastrophé car il se dit ne pas être capable de les faire. Il répète avant chaque exercice qu’il est nul et qu’il n’y arrivera pas. Un jour, au moment du repas, il a répété que de toute façon « il n’était qu’un bon à rien à l’école. »
Je pense que Quentin, ne se sent pas capable de faire certains exercices à l’école., je me suis alors posée la question de savoir si ce n’était pas des mots qu’il avait l’habitude d’entendre chez ses parents, ou si l’institutrice n’avait pas dit quelque chose que Quentin aurait pu mal interpréter.
Le regard des parents ou de l’adulte sur ce que fait l’enfant est important pour ce dernier. Ainsi, si le discours de l’adulte est en permanence dévalorisant, il peut vraiment être destructeur pour l’enfant. Si l’on répète à l’enfant constamment qu’il ne vaut rien, alors il va finir par intérioriser ce discours et en faire le sien.
L’échec
Certains échecs peuvent frapper l’enfant dès le plus jeune âge, mais c’est surtout au moment de l’entrée à l’école que l’enfant qui s’estime peu va entrer dans la conduite d’échec. Car avec l’entrée à l’école, il va se confronter au groupe social. Le fait de se comparer aux autres, d’être noté et observé par l’instituteur (-trice) va stimuler sa valeur personnelle. Mais pour des enfants qui ont une basse estime de soi à la base, la situation scolaire peut devenir une épreuve.
En allant chercher Réda (4 ans) à l’école, je le trouve en pleurs. Je lui demande ce qui s’est passé, mais il ne me répond pas et ses pleurs deviennent croissants. L’institutrice vient alors vers moi et m’explique « que Réda n’a pas su faire un parcours de « gym » comme ses autres camarades et que depuis, il doit être vexé. » En effet, après qu’il se soit calmé, Réda m’a expliqué qu’il n’avait pas réussi le parcours et qu’il ne voulait plus réessayer. Réda n’était pas scolarisé depuis très longtemps et s’est senti, je pense, observé et noté peut être par la maîtresse. Ce qui a du l’impressionner. Cela a été pénible pour lui de ne pas réussir ce que les autres avait pu faire, ce que la maîtresse a alors pris pour une vexation.
Mais Réda étant tout de même relativement confiant en lui pour certaines choses, a réessayé petit à petit, avec l’aide de la maîtresse.
« C’est en se trompant que l’on apprend ». Cette citation peut être applicable pour un enfant qui reste relativement confiant en soi. Cependant, si il a une mauvaise estime de soi, alors l’erreur le fige, le bloque et ne lui permet plus d’avancer. Si l’estime de soi est basse, l’enfant a du mal à se remettre de cet échec qui reste douloureux et durable. Il en est de même pour la critique à laquelle un enfant qui a une basse estime de lui-même sera plus sensible en intensité et en durée, qu’un enfant ayant une bonne estime de lui.
La fausse bonne estime de soi
Il faut faire attention aux apparences. Un enfant faisant preuve d’une grande estime de lui-même, se montrant content de lui, voulant sans arrêt se mettre en avant et prouver ses compétences, n’a pas forcément une si bonne estime de lui-même qu’il veut bien le laisser paraître. Toutes ces manifestations d’estime de soi sont révélatrices d’un malaise chez l’enfant. En effet, il doute de ses capacités et cherche à se rassurer. « A la suite d’une construction de soi défaillante, son sentiment d’existence est entièrement bâti sous la dépendance du regard des autres » Faute d’une réelle bonne estime de lui, l’enfant cherche à se faire remarquer par les autres en se mettant en avant. Il cherche l’admiration d’autrui, il veut attirer l’attention.
L’enfant apparemment très narcissique et sûr de lui ne l’est en fait pas. Il n’est pas si sûr qu’il le laisse paraître, de ses capacités et de sa valeur personnelle. L’enfant veut plaire à ses parents, à son entourage et pour cela, il se construit selon l’image qu’il veut leur donner, et non comme il en aurait envie.
L’abandon et l’estime de soi
L’un des besoins fondamentaux de l’enfant est de se sentir en sécurité avec ses parents. Si les parents semblent ne pas respecter cela, l’enfant peut être effrayé. Il prend l’abandon comme une trahison qui va endommager à court ou long terme son estime de soi. L’abandon peut être interprété comme un rejet, (un rejet de la valeur personnelle de l’enfant). Il culpabilise de l’acte d’abandon de son parent en se sentant responsable du fait que celui ci ne s’occupe plus de lui.
En plus de la souffrance, du rejet et de la « perte » du parent, l’abandon affectera la définition de soi de l’enfant, car son identité dépend essentiellement des liens qu’il a avec les autres. Dans le cas de l’abandon, le sentiment de ne plus être en relation invalide l’estime de soi. L’enfant se sent diminué, il lui manque une partie de lui-même.
La dépression et l’estime de soi
Le terme dépression se réfère à un état d’accablement grave où la personne stagne émotionnellement ; elle est piégée par le chagrin, le désespoir, l’impotence et la colère, et est dépourvue de l’énergie, ou de la détermination indispensable pour effectuer des changements positifs.
Le manque d’estime de soi peut entraîner une dépression due à une construction du Soi défaillante. Les rapports entre l’estime de soi et la dépression son souvent complexes car ils dépendent aussi des éléments déclencheurs du manque d’estime de soi, et donc de la dépression.
L’un des facteurs qui entre en jeu dans la construction de l’identité d’un enfant et l’acquisition de l’estime de soi chez cet enfant est sa famille et la « place » que l’enfant va y prendre. Ce lien avec la famille, va permettre à l’enfant de se construire une identité et de se procurer un sentiment de valeur personnelle. Mais avant de vouloir développer l’estime de soi chez un enfant, il faut s’assurer que ses besoins élémentaires ont été satisfaits ou au moins en partie.
3. Quelques besoins de l’enfant, à la base de l’estime de soi
Selon le Dictionnaire de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent, « en langage courant, le besoin désigne une exigence de la nature ou de la vie sociale supposant un assouvissement rapide. Au sens fort, le besoin vise des objets concrets et doit être impérativement satisfait, l’individu risquant de pâtir gravement de la situation ; le besoin possède donc un caractère de « nécessité ». (…) La psychologie humaniste a mis le besoin au cœur de ses théories. Pour MASLOW, il existe des besoins fondamentaux, besoins de considération, besoins de dépassement. Leur non-satisfaction dans l’enfance entraînerait des troubles du développement et l’impossibilité de faire face aux événements et aux contraintes de l’existence. »
En 1954, Abraham MASLOW, élabore une théorie selon laquelle, les besoins naturels de l’homme se hiérarchiseraient sous la forme d’une pyramide.
En me basant sur cette pyramide des besoins de MASLOW, et en considérant que les besoins physiologiques (niveau 1de la pyramide) sont déjà satisfaits, je vais décrire les besoins des enfants qui sont à la base de l’estime de soi.




A. Le besoin de sécurité.
Pour MASLOW, le besoin de sécurité se situe au niveau 2 dans la pyramide. Pour penser atteindre ce niveau dans les besoins de l’enfant, il faut tout d’abord que le niveau 1 (les besoins physiologiques), soit satisfait ou en partie satisfait. L’enfant a donc aussi besoin de se sentir physiquement et psychologiquement en sécurité. L’insatisfaction du niveau 2 de la pyramide engendrerait la peur chez l’enfant.
Le besoin de sécurité est normal et légitime chez tout enfant, mais selon les événements de la vie, il peut varier. Si un enfant ne se sent pas en sécurité, physique ou psychologique, alors il s’efforcera de rétablir cela et y mettra toute son énergie. Car l’enfant ayant peur, voudra sortir de cette peur.
Définition MASLOW : le sentiment de sécurité : « il signifie comprendre les limites, connaître les attentes et se sentir confortable et en sûreté. C’est un préalable pour une estime de soi positive. L’enfant doit avoir un sentiment de sécurité avant de pouvoir se percevoir de façon réaliste et prendre des initiatives. »
La sécurité physique
La sécurité physique est une sécurité « exogène » ou sécurité extérieure. Il s’agit en tant que professionnel de veiller à la sécurité physique de l’enfant par le biais de règles et de consignes de vie qui constituent un cadre sécurisant pour l’enfant. Si l’enfant est sécurisé physiquement, il sera plus à même de se développer. Il s’agit donc de réduire au maximum les risques afin de le protéger. Quand ce dernier se rend compte que l’on accorde de l’importance à ce qu’il ne lui arrive rien, il sent que l’on accorde de l’importance aussi à sa valeur personnelle, ce qui favorise le développement de son estime de soi.
La sécurité affective.
La sécurité affective est une sécurité « endogène » ou sécurité intérieure. Cet aspect de la sécurité de l’enfant est tout aussi fondamental que la sécurité physique. La sécurité affective est une base pour l’enfant. Elle est liée au besoin d’amour. Pour cela, il lui faut un cadre rassurant, tant au niveau des personnes qui l’entourent (parents, référents,…), qu’au niveau des lieux qui se doivent rassurants eux aussi pour l’enfant. Les enfants ont besoin de repères pour se structurer.
La sécurité affective passe aussi par les limites données à l’enfant. Les règles sécurisantes ont pour but de le protéger, de le sécuriser et d’en prendre soin. Ces règles doivent être établies en fonction de l’âge de l’enfant et apportent des repères de vie sociale par les limites et les points de référence qui lui sont donnés.
Grâce à la régularité des soins qu’on lui apporte et à la présence stable des adultes autour de lui, l’enfant arrive peu à peu à ressentir une sécurité affective qui lui permettra d’avoir une attitude de confiance par rapport à l’autre et à lui-même.
B. Le besoin d’appartenance à un groupe.
Chez MASLOW, la satisfaction des niveaux 1 et 2 est fondamentale et prioritaire, mais largement insuffisante pour que l’individu se sente heureux. Comme l’enfant est un être social, il a besoin de relations avec les autres, il a besoin de communiquer et de recevoir une réponse affective. Si les besoins de l’enfant au niveau 3 sont insatisfaits, il ressent alors de la tristesse, du pessimisme, de la solitude et de la dépendance.
L’enfant a besoin de faire partie d’un groupe, de se sentir reconnu par les autres pour pouvoir se reconnaître lui-même. Ce besoin d’appartenir à un groupe augmente au fur et à mesure avec l’âge de l’enfant.
Tout au long de sa vie, l’être humain est « tiraillé entre deux formes de reconnaissances nécessaires au développement et au maintien de l’estime de soi: la reconnaissance de sa singularité (identité) et la reconnaissance de sa conformité. »
En effet, l’enfant déjà très jeune vit un paradoxe continuel, car il a besoin d’être confirmé dans son identité, dans le fait qu’il est une personne unique et en même temps, il ressent le besoin d’appartenir à un groupe. Lorsque l’enfant participe à des activités communes, avec d’autres enfants, cela lui permet de confirmer son existence par la place que lui donnent ses camarades dans le groupe.
Pour arriver à ce besoin, ce sentiment d’appartenir à un groupe, c’est un long apprentissage de coopération et de collaboration avec les uns et les autres.
La dépendance affective de l’enfant à l’égard de ses parents s’estompe pour parvenir à une dépendance à l’égard de ses amis. C’est ce qui constitue,, l’estime de soi sociale. L’estime que ses copains ont sur lui aura plus d’influence sur son estime de soi. L’enfant doit donc apprendre à se décentrer de lui-même pour prendre connaissance et conscience des autres. Le sentiment d’appartenance au groupe se développe chez l’enfant s’il se sent estimé par les autres. Cela se démontre si on lui donne des responsabilités, relatives à son âge, afin qu’il puisse être reconnu par les autres dans ses spécificités.
Le groupe d’enfants devient donc une source de réactions positives permettant à l’enfant de se sentir unique et aimé, ce qui rehausse son estime de soi.
C. Le besoin de reconnaissance.
Le besoin de reconnaissance représente pour MASZLOW le niveau 4. L’enfant a besoin d’être reconnu comme une personne à part entière, respectée et estimée pour ses capacités, ses émotions, ses sentiments. Mais l’enfant a aussi besoin de s’estimer lui-même.
En se connaissant et en se reconnaissant, il apprend à reconnaître ses capacités et donc à améliorer son estime de soi. (Cf ci-dessus paragraphe sur la reconnaissance de soi).
D. Le besoin d’autonomie.
le besoin d’autonomie se situe dans le niveau 5 de la pyramide de MASLOW, ainsi que le besoin d’auto-réalisation et de création. Si tous les autres niveaux sont « atteints » ou presque, l’enfant peut alors réaliser ses propres potentiels en prenant plus d’Independence et d’autonomie. L’accès à l’autonomie de l’enfant est, après la sécurisation, le second point essentiel qui lui permettra de vivre sereinement.
Le terme d’autonomie est composé d’« auto » qui veut dire « soi-même » et de « nomos » qui signifie « lois ». Accéder à l’autonomie consisterait alors à se donner ses propres lois. L’autonomie, c’est être capable d’évoluer librement pour faire ses propres découvertes tout en étant soutenu de façon discrète et sécurisante par un adulte. Cependant, elle ne se confond ni avec la liberté totale ni avec l’isolement.
Elle se caractérise par le fait d’être en capacité de rompre le lien de dépendance avec l’entourage. L’autonomie conditionne la vie de futur adulte de l’enfant. Il faut savoir le laisser libre d’être lui-même tout en satisfaisant sa demande affective pour continuer à le soutenir dans son autonomisation. Il faut éviter de faire à la place de l’enfant et lui permettre des maladresses. Ce besoin d’autonomie est avant tout une affirmation de soi, de sa valeur personnelle. Toutefois, un enfant ne sera pas totalement autonome, il entrera dans un processus d’autonomisation. Pour développer ses compétences et son autonomie, il a besoin de faire des expériences et des découvertes. Il doit les faire seul, mais l’adulte est à ses côtés et l’accompagne dans cette prise d’autonomie et d’indépendance.
L’autonomie se rapproche plutôt d’une « indépendance psycho-affective » comme la définit WINNICOTT. C’est à dire que l’on peut parler d’autonomie lorsque l’enfant a acquis une conscience de soi.
L’enfant a donc besoin de se sentir autonome pour faire des expériences et des découvertes qui le conforteront dans l’estime qu’il a de lui-même. C’est dans le jeu que l’enfant peut s’autoriser sans risque à ne dépendre que de lui-même. La libre organisation de ses fantasmes, de ses désirs, lui procure une jubilation liée à la découverte du sentiment de liberté. C’est en effet dans le jeu que l’enfant peut s’autoriser à ne dépendre que de lui-même sans trop de risques. Il sait de plus, qu’il est sous la surveillance de l’adulte. Il découvre une autonomie temporaire, mais qui lui permettra de se construire une base dans son autonomie.
E. Le besoin de jeu
Le jeu est une nécessité vitale pour l’enfant. Il permet d’explorer, de communiquer avec autrui. C’est l’un des premiers moyens pour l’enfant de maîtriser physiquement et psychiquement le monde qui l’entoure. Le jeu peut être collectif ou individuel. Il permet de faire des expériences et des découvertes. F. DOLTO disait que « le jeu c’est apprendre à être, c’est apprendre à vivre aussi bien seul qu’avec les autres. » Le jeu est un processus d’éducation complet et indispensable au développement physique, psychomoteur, psychoaffectif et cognitif de l’enfant.
L ‘enfant réclame forcément la pratique du jeu. C’est un outil pour la construction de l’enfant. Il l’aide à la connaissance de soi et/ou la connaissance des autres. C’est grâce au jeu que l’enfant fait de nombreux apprentissages dès le plus jeune âge. L’enfant en a besoin pour la communication, pour apprendre à connaître son corps et s’en faire une image, pour se socialiser aussi. En effet, le jeu permet aussi la socialisation progressive de l’enfant. Par le jeu, l’enfant découvre son corps, et ensuite apprend la maîtrise le monde qui l’entoure et se l’approprie. Le jeu lui permet aussi d’exprimer ses sentiments, ses émotions. Il permet à l’enfant de développer différentes capacités, dans différents domaines ce qui valorise l’enfant et lui permet d’augmenter son capital d’estime de soi.


En résumé, on peut dire que le jeu est primordial pour la construction de l’enfant, de sa personnalité, et de son estime de soi.